Corinne Hoex, Les reines du bal, roman, Grasset, 2024, 104 p., 14 €.
Qui donc a dit que Le ridicule ne tue pas ? Un certain Louis Gauthier, paraît-il, mais on oublie le plus souvent la seconde partie de la citation : …mais il met mal à l’aise. Un peu trop sage, ne trouvez- vous pas ? Si l’on ne rit pas à gorge déployée, en ce bal des reines, c’est tout simplement que l’on sait se tenir, que l’on a de la classe, à la résidence des Pâquerettes. Mais ce livre pourrait être, il n’empêche, un guide de l’humour rosse. Non, la vie n’est pas toujours rose, et l’âge non plus, dans lequel on se glisse comme furtivement, en voyant vieillir les autres. On s’invente des caracos de caracole, des tutus démodés, des jeux désuets, des carambolages subtils, des jeux de mots qui sont parfois des jeux de mort. Le latin est plus direct, qui disait des heures, sur ses cadrans : Omnes vulnerant, ultima necat .
En ces jeux subtils, les pensionnaires des Pâquerettes sont passées maîtres, et les victimes n’osent guère lever la garde, même si les fleurettes sont mouchetées. Il faut dire qu’elles y vont fort, ces dames, et qu’elles ne mâchent pas toujours leurs mots :
« Maintenant que je sais tout ça et que madame Simonart m’a montré cet or qui brillait dans sa bouche, je regarde son cou qui avale quand elle mange et je pense à cette fortune qui brillait dans sa bouche, je regarde son cou qui avale quand elle mange et je pense à cette fortune qui mâche ses frites et ses épinards ». Ici, elle reste sur son quant à soi, mais madame Simonart avait au préalable mis K.O. madame Pincemin : « Chaque fois que j’avale ma salive, cette salive en glissant caresse une fortune. Tout le monde ne peut pas être communiste avec un dentier en plastique, Madame Pincemin ! ». Et vlan ! Il n’y a qu’un pas du karaoké au karaté…
Mais avant d’en revenir aux relations dites normales, aux baisemains et palinodies de toutes sortes qui meublent votre quotidien, je vous conseillerai tout de même quelques exercices d’assouplissement linguistique. N’écoutez pas, messieurs ! C’est ici l’école des femmes ! Mais rien ne vous empêchera, j’en suis sûr, de venir y picorer l’une ou l’autre méchanceté bien sentie.
Vous insistez ? Allez, laissons le mot de la fin à madame Simonart, et prenez- en de la graine, en attendant, qui sait, le Bal des maudits ou le retour des Vêpres siciliennes. Corinne Hoex a plus d’une flèche en son carquois !
« – Ne vous en faites pas pour moi, Madame Prunier. Occupez-vous de vous. Malgré leur grosse tête et leurs grandes dents, les tyrannosaures ont tout de même disparu. Vous pourriez vous trouver sur la liste des espèces menacées. »
Joseph Bodson