Dans le cadre de l’Action « LISEZ-VOUS DU BELGE ? »…
(RE)DECOUVREZ UNE FAMILLE DE 4 ECRIVAINS :
• le poète du choc Roger Bodart (1910-1973),
• son épouse la (sulfureuse…) romancière Marie-Thérèse Bodart (1909-1981),
• leur fille la nouvelliste et essayiste de l’Etrange Anne Richter (1939-2019),
• et la petite-fille Florence Richter…

INFO-INFO-INFO :
– D’autres oeuvres de Roger Bodart et de Marie-Thèrèse Bodart seront rééditées l’année prochaine 2021.
– Les « Fonds Roger et Marie-Thérèse Bodart » d’une part, et « Fonds Anne Richter » d’autre part, viennent d’être créés aux A.M.L. (Archives et Musée de la Littérature) : les dons sont effectués par lots, et sont inventoriés au fur et à mesure (selon les possibilités de l’équipe des A.M.L., en cette période particulière).
Le premier lot comprend plusieurs centaines de lettres d’écrivains ou personnalités, belges et étrangères, adressées au couple Bodart ou à Anne Richter.

EXTRAITS-EXTRAITS-EXTRAITS :
La Route du Sel,
de Roger Bodart
(éditions Seghers, Paris, 1964; réédition La Différence, Paris, 1993 et 2012)
Ecrit dans un style abrupt et sauvage, La Route du Sel est le recueil de poésie majeur de Roger Bodart : il évoque la destruction du monde et sa renaissance, autant que la transformation d’un homme, ou la création d’un poème.
site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Roger_Bodart
site de l’Académie royale de Belgique :
https://www.arllfb.be/composition/membres/bodart.html
https://www.arllfb.be/composition/membres/bodart.html
Extrait :
Métamorphose. Fougère muée en roc.
Nageoire flagellant le sable
avant d’être aile. Insoupçonnable
saut. Pierre enfantant la flamme. Choc.
(…)
La délivrance par le mot. Je dis : Sésame,
et le genou se fend lâchant l’oiseau, la mer
s’envole sur le toit du monde, l’âme
se change en périscope, le désert
de chaque grain de sable fait un ange.
Je dis fagot, et dans les Andes, l’épervier
immobilise du regard une avalanche.
(…)
Mûrir mourir pourrir pour être une âme pure
pour mériter l’honneur de quitter ce vieux corps
pour savoir qui l’on est pour trouver sa figure
comme fait un acteur derrière le décor
(…)
Croire dur comme fer aux sorciers d’Orénoque
Mettre en doute souvent que deux plus un fait trois
Dans la neige du pôle avoir chaud comme un phoque
mais se sentir glacé dans la chambre du roi
(…)
Vouloir être pacha pape bantou pirate
battre au jeu de l’amour le grand Casanova
avoir le flanc marqué d’une griffe de chatte
marcher dans le désert parce qu’un pneu creva

Les Roseaux noirs,
de Marie-Thérèse Bodart
(éditions Corréa, Paris, 1938; réédition Samsa-Académie, 2014)
Ecrit dans un beau style classique, Les Roseaux noirs est le premier roman de Marie-Thérèse Bodart : une histoire de passion, d’inceste et d’adultère, qui a valu en 1938, à la romancière, son exclusion de l’école secondaire où elle était professeure d’histoire à Verviers, alors que la presse littéraire belge et française faisaient en même temps l’éloge du roman, qui figura parmi les finalistes du prix Femina.

site :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie-Th%C3%A9r%C3%A8se_Bodart
Extrait :
On l’appelle dans le pays « la Renardière »; les gens ne savent plus pourquoi. C’est, sur le plateau fagnard battu par les vents, non loin de la frontière allemande, une vaste maison aux murs épais en pierres grises du pays : huit fenêtres de façade, deux clochetons trapus aux angles, une toiture d’ardoises incurvée, un auvent. Les Chatelroux y vivent depuis quatre générations.
Depuis deux ans, Noëlle, la fille unique d’Hubert de Chatelroux, est revenue du collège et vit entre Thony, sa vieille bonne, et son père malade auquel, il y a une vingtaine d’années, une congestion fit perdre la mémoire.
(…)
Quand, par ce matin de la mi-octobre, Noëlle sortit de la Renardière, elle sut bien que tout était changé.
Le ciel gris et plombé annonçait la pluie. Le vent arrachait les dernières feuilles des hêtres et des bouleaux et les rabattait contre le chemin argileux. La Renardière parut la seule chose immobile dans la rafale sonore. Noëlle sentit qu’elle haïssait tout cela : cette grande maison où les siens avaient vécu, ces landes hostiles, cette solitude.
Elle avait pris conscience de l’existence, en elle, de forces obscures, d’un coup, il y avait à peine une heure. Depuis deux ans, elle souffrait sans comprendre. Elle acceptait, peut-être… Elle ne sait plus. Tantôt, pendant qu’elle achevait posément quelque ouvrage, brusquement l’a envahie cette visitation des ténèbres. Elle a d’abord été clouée sur place. Puis un vertige l’a saisie.

L’ange hurleur
d’Anne Richter
(extrait du recueil de nouvelles du même titre, L’Ange hurleur, éditions L’Age d’Homme, Lausanne, 2008)
Anne Richter a écrit de nombreuses nouvelles étranges, dans le genre fantastique et poétique, et aussi un essai de référence Le Fantastique féminin, un art sauvage. L’art et l’amour, l’amour de l’amour, le discours sur l’amour, l’enfer de l’amour, traversent les pages du recueil de nouvelles L’Ange hurleur, tour à tour dramatiques ou ludiques. Ici, l’étrange éclaire l’ambiguïté du quotidien.
une info :

https://plus.lesoir.be/233218/article/2019-06-27/deces-danne-richter-lecrivaine-qui-associait-le-mystere-au-bonheur

Extrait :
Clara avait un renard rouge qui lui rongeait le coeur. Elle était née comme ça, personne n’y pouvait rien. Quand elle était venue au monde, sa mère avait remarqué, au-dessus du sein droit, une tache rouge en forme de museau pointu. Ce n’est rien, dit le médecin, une sorte de naevus, un grain de beauté. C’est assez fréquent : celui-ci a une forme inhabituelle, il ne faut pas s’en inquiéter. Son entourage familial rassuré, personne n’y pensa plus et la tache écarlate disparut sous les fines chemises, les lainages douillets, roses et bleus, dont on a coutume de vêtir les bébés.
Cependant, pour Clara, l’histoire ne faisait que commencer. Personne ne comprit jamais ce que signifiait cette marque du renard. Personne n’a jamais su qu’un renard bien vivant était blotti dans sa poitrine, qu’au moindre évènement, ce petit animal cruel lui mordait le coeur et que ces morsures subites causaient de terribles souffrances.

Qui est Georgette ? 2046-2054
de Florence Richter
(éditions Samsa, Bruxelles, 2019)
sites

https://www.samsa.be/livre.php?id=112

http://www.ladeesseetlepingouin.com/La_deesse_et_le_pingouin/La_deesse_et_le_pingouin.html

Ce roman donne écho aux expériences de vie contrastées de son auteure, passionnée depuis trente ans par la réflexion sur la « décroissance » (alternatives démocratiques au capitalisme), et qui a travaillé comme analyste criminelle à la police de Molenbeek, ou encore responsable de la Maison de la Prévention de Huy, mais aussi éditrice à La Renaissance du Livre, responsable des « Midis de la Poésie » (Bruxelles), ou chroniqueuse pour la rubrique « Débats » de La Libre Belgique.
Dans Qui est Georgette ?, on se projette en 2046 : de Bruxelles à Calvi, une gigantesque puanteur envahit l’Europe, premier signe d’une étrange pandémie… Rose Apari, aussi militante écologiste, enquête à ce propos, mais c’est Alice, une pieuvre… qui chronique les évènements, à sa manière joyeuse et sauvage. Il s’agit d’un roman-pamphlet, qui mêle thriller, étrange, et poésie. Des animaux qui parlent dénoncent les excès de l’humanité, et l’on s’interroge : Georgette pourra-t-elle sauver le monde…
Extrait :
Enfin arrivé sur le toit du Palais royal, moi-Hercule, je m’assieds face au Parc de Bruxelles. Des cris longs et gutturaux attirent mon attention et je tourne ma face vers le large espace qui s’étend devant moi : du gravier recouvre le sommet de la bâtisse par endroits et deux chats s’y poursuivent. Un matou tigré très poilu, à l’oreille déchirée, et semble-t-il une femelle au pelage clair, reniflant l’air avec nervosité. Dès que le mâle s’approche d’elle, celle-ci se tortille puis lui donne de petits coups de patte répétés sur le museau. Il s’approche, elle s’échappe, et le scénario recommence de plus belle. « En voilà une allumeuse ! », je me dis, moi-Hercule.
Je siffle, les deux félins s’immobilisent et quatre énormes pupilles me fixent puis reprennent leur jeu. Je siffle encore et le mâle crache un feulement mauvais dans ma direction : « Vvfffmoorrr ! ». Il en profite pour grimper la chatte, immobile, toujours étonnée par les sons que j’ai lancés. Les fourrures se mêlent, le matou mord la nuque de sa moitié et cette dernière produit un miaulement aux accents de plus en plus aigus. Moi-Hercule, je connais la chose : les chats possèdent un tout petit pénis à crochets qui déchire le trou de la femelle. Tandis que le matou la besogne, la chatte hurle et chante à s’en étouffer. Les voilà séparés et la boule de poil clair envoie quelques coups de griffes à la masse de toison tigrée, puis ils disparaissent chacun de leur côté.

Cordialement !
Florence Richter