Marguerite Marie James

L’année prochaine à Pont-Aven.

Mon tendre et très cher ami,

Je t’emmènerai un jour sur les rives de l’Aven et te ferai compter les quatorze moulins de la ville, je découvrirai avec toi le Bois d’Amour et nous prierons ensemble devant ce Christ jaune immortalisé par Gauguin.

Oui, c’est là que nous irons quand l’ange que j’implore chaque jour se sera dressé dans ton cachot pour faire tomber tes chaînes, t’aura dit : « Mets ton manteau, tes chaussures et suis moi ! »

Il rayonnera devant toi d’un éclat si vif que tu devras le suivre et, quand tu seras sorti de ta prison, il disparaîtra.

Moi, je serai alors devant toi, et nous nous prendrons la main, et nous partirons, et tu apprendras ce pays que j’aime.

Je t’en montrerai la lumière si douce sous le ciel de Bretagne avec des milliers d’hortensias roses.

Tu sentiras le vent t’envelopper de force dès que l’on prend le bateau et que l’on dépasse Port-Manech.

Il y a des cormorans aux aguets sur des épaves.

Il y aura surtout ta main dans la mienne pour avancer sur un chemin peuplé d’aïeux dont les chants berceront nos âmes jusqu’au sein de la nuit.

 

Le silence est lourd de mots non prononcés

Impliqués dans d’innommables turpitudes.

Le silence est lourd de rêves mégalomanes,

Berceaux de pyramides, tombes colossales.

Le silence est lourd de chênes foudroyés,

Géants orgueilleux aux racines de verre.

Le silence est lourd de mondes inconnus,

Au-delà effleuré par des âmes hésitantes.

Le silence est lourd d’absences imposées,

Sentes désertes sans trace de vivants.

Le silence est lourd de nappes fleuries,

Froide chaleur de l’immobilité des choses.

Le silence est lourd de chats endormis ,

Ataraxie planifiée de multiples mulots.

Le silence est lourd d’insectes affamés,

De fourmis à l’assaut du rempart des pivoines.

Le silence est lourd d’inexpugnables oiseaux,

Etrange écho d’une troisième dimension.

Le silence est beau d’une image attendue,

Ton sourire amoureux sous la caresse de mes mains.

15 mai 2009.

Paru dans « Les Elytres du Hanneton » n°302, revue du Grenier Jane Tony.