dumortier jeanJean DUMORTIER  

Avenue Antoine Joseph Slegers, 119/4, 1200 Bruxelles
tél : 02/771.37.76

Né à Uccle le 21 février 1926.

Ancien secrétaire des Jeunesses littéraires de Belgique et collaborateur des Jeunesses poétiques. Ancien secrétaire du Groupe d’action des écrivains. Ancien secrétaire du Grenier Jane Tony. Membre de plusieurs associations littéraires de Belgique et de France.

Prix littéraires : prix Jean Kobs pour Les Vigiles du Soleil, décerné par l’A.R.E.W. en 1982. Prix Marguerite Van Meerbeeck décerné par l’A.R.E.W. en 2004 pour l’ensemble de l’œuvre. Prix Delaby-Mourmaux de l’Association des écrivains belges de langue française pour Jardin de nuit, 2005.

Collaboration régulière aux revues littéraires Inédit, le Non-dit, les Elytres du Hanneton, le Journal des Poètes.

Bibliographie

Parution de poèmes dans une bonne dizaine d’anthologies (détail chez l’auteur).

Les Pains noirs, poésie, Bourdeaux-Capelle, Dinant, 1960.Les Tocsins du midi, poésie, Bourdeaux-Capelle, Dinant, 1962.

La Fille Misère, poésie, Franz Jacob, Châtelet, 1963.

Les Hautes Pierres, poésie, Bourdeaux-Capelle, Dinant, 1964.

Les Vigiles du Soleil, poésie, Bourdeaux-Capelle, Dinant, 1966.

Corps d’Algues, poésie, Société des Ecrivains, Bruxelles, 1966.

Cette Ville interdite, poésie, le Grenier aux Chansons, VDH, 1968.

Eprailles, poésie, Bourdeaux-Capelle, Dinant, 1975.

Quatrains pour une Estampe, poésie, Bourdeaux-Capelle, Dinant, 1976.

Jaillie de nos Eaux fortes, poésie, Bourdeaux-Capelle, Dinant, 1976.

Corsés de Lagunes, poésie, ARCAM, Paris, 1978.

Les Fleurs de Paille, poésie, Unimuse, Tournai, 1982.

Sais-tu Florence, poésie, Unimuse, Tournai, 1985.

Jeudis de Juillet, poésie, Barre et Dayez, Paris, 1985.

(bilingue français-anglais avec Nicolas Catanoy)

Etat critique (recueil collectif), poésie, entretiens, La Dryade, Virton, 1987.

Lettres à la Fiancée, correspondance, Jacques Bonivert, Gilly, 1988. (en collaboration avec Françoise Houdart)

Fêtes d’Ombres, poésie, l’Arbre à Paroles, Amay, 1990.

Viviers, poésie, l’Arbre à Paroles, Amay, 1993.

Feu de Bel, poésie, l’Arbre à Paroles, Amay, 1993.

L’Age fruitier, poésie, l’Arbre à Paroles, Amay, 1995.

Un Eté oublié, poésie, les Elytres du Hanneton, Bruxelles, 1996.

Paroles de Saison, poésie, les Elytres du Hanneton, Bruxelles, 1998 (en collaboration avec Joseph Bodson, Jean-Louis Crousse, Myriam Prévot)

La Porte du Temporel, poésie, le Non-Dit, Bruxelles, 1999.

Puits de Lumière, poésie, Textes et Prétextes, Wavre, 2002

Terre d’Argence, poésie, Textes et Prétextes, Wavre, 2002.

Chemins parallèles, poésie et sculpture, Traces de l’art, Art in Belgium, Lasne, 2004 (en collaboration avec Anne Canneel)

Jardin de nuit, poésie, Textes et Prétextes, Eghezée, 2006.

Les Oiseaux d’argent, récit, Textes et Prétextes, Eghezée, 2006.

Claire ou le Goût du bonheur, poésie, le Non-Dit, Bruxelles, 2009.

Baume des regards, aphorismes, le Non-Dit, Bruxelles, 2010.

Falaise de l’éclair, poésie, le Non-Dit, Bruxelles, 2011.

 


 

TOMBEAU DE  JEAN DUMORTIER

La voix de Myriam, au second jour de nos vacances : Jean est mort. Comme si quelque chose d’incroyable était arrivé. Et qui pourtant devait arriver un jour. Comme une eau qui se serait arrêtée de couler. Comme si l’horloge de la poésie s’était soudain interrompue dans sa marche. Alors que c’est cela peut-être le sens, le contre-sens de la poésie : « Dire à l’instant qui passe : arrête-toi, tu es si beau ! »

Jean si sensible à ce qu’il y a en nous d’éternel et de passager. A ce qui, en chaque instant, est à la fois fugitif et sans limites. Et des images, des paroles, se lèvent. Ce silence, au Grenier et ailleurs, quand Jean lisait de la poésie. Ce long silence qui suivait et précédait le texte. Recueillement. Comme une eau courante qu’on essaye de retenir entre ses doigts dans la chaleur de l’été.

Jean si sensible au goût des fruits, à la belle porcelaine, au frôlement d’une étoffe, à l’ivresse vacillante d’une guêpe. Jean qui savait si bien par ses choix, ses intonations, faire vivre, bruisser, chanter les mots. Intimisme ? Nature morte – Stilles leben ? Plutôt Stilles leben. La grande leçon de Vermeer, de Couperin, de Proust. Mais la poésie non comme délectation solitaire, hermétique ; la poésie comme partage, dans la simplicité, la limpidité de la vie.

 Quelques images éparses, comme raisins que l’on grappille : ce texte, lu au Grenier, deux promeneurs qui se croisent, un soir, dans un sentier, sans se connaître, et qui demain seront peut-être antagonistes. Mais leur regard porte la paix. Ces poèmes échangés, à Stambruges, avec Myriam, Jean-Louis. Les photos de Claire. La poésie comme partage. Comme Paix. Comme Patience.

Et tous ceux-là, nous et tous les autres, qu’il a guidés dans leur marche. Sans ostentation. Sans rechercher les honneurs, ni les titres. Seulement la voix, et la main tendue. Non pas un chef, ni un maître d’école : un compagnon de route. Qui continue, qui continuera à cheminer avec nous, en causant de choses et d’autres. Et parfois nous nous rencontrions, dans des endroits bien lointains, à Boulogne ou ailleurs, comme si le hasard avait guidé nos pas.

Tombeau de Jean Dumortier ? Oui, mais Jean est toujours là, comme le bon jardinier qui se promène dans les allées. Qui n’oublie pas. Que l’on n’oublie pas. Parce qu’il a tant de choses, encore, à nous dire.

                                                                                                                                                                                                    Joseph Bodson


 

JEAN QUI MEURT,  JEAN QUI VIT           

« Voir son déclin tel un coucher de soleil. »                                               

Jean Dumortier

Jean nous a quittés, simplement, à sa manière, discrète, humble, naturelle. Ses amis, nombreux, malgré l’été qui disperse la présence familière aux quatre coins du monde, l’ont mis en terre sans musique ni longs discours. Quelques phrases, une poignée de poèmes, des voix brisées que le vent gris du jour emportait au loin.

Jean était la poésie même, le poète par excellence. Non pas qu’il voulait exceller dans l’art de composer des vers habiles mais parce que tout ce qu’il vivait, sentait, rêvait, accomplissait chaque jour était empreint d’un sentiment poétique authentique et profond. Il existait réellement en poète. Ses bonheurs, ses emportements, ses fièvres, ses chagrins, ses révoltes, ses espérances, ses amours et ses partages, tout était exprimé en métaphores, en jaillissements verbaux, en images et inventions hautement poétiques. Ses mots, son langage, sa conversation, tout en étant toujours proches de l’autre, à l’écoute constante de l’interlocuteur, respiraient son plaisir de vivre en poésie, d’apporter et d’élargir sa confiance poétique autour de lui, de convaincre tout un chacun que la chose était possible, en dépit des innombrables contraintes matérielles qui nous assaillent et nous appauvrissent. Sa franchise, sa liberté d’esprit, sa bonté, son ouverture à la sincérité étaient les meilleurs dons qu’il pouvait nous faire de lui. En le quittant, on se trouvait un peu plus léger, plus tolérant, plus soucieux de rechercher la beauté que de déplorer désespérément son absence. Un jour, en allant le chercher chez lui, je l’ai vu apparaître engoncé dans son anorak, coiffé de son grand béret basque et appuyé sur son bâton de vieux randonneur des parcs et jardins, et aussitôt l’image de l’abbé Pierre m’est venue à l’esprit. Je le lui ai dit et Jean a éclaté d’un rire tonitruant qui a effrayé les moineaux qui voltigeaient tranquillement sur le trottoir. Ce rire libérateur et contestataire,  c’était vraiment du pur Jean. Jean qui pleure, Jean qui rit. Jean qui continuera d’être là et de trottiner à nos côtés, la besace pleine de poèmes et d’aphorismes bienfaisants, Jean de la lune, Jean de la fontaine, Jean-Jean de l’école buissonnière,  Jean des quatre saisons, des conciliabules sous la treille, des échanges lumineux, des verres de vin bleu complices, des longs silences fertiles, des pensées furtives et vagabondes… Jean passe… et des bien meilleures encore et toujours qui me reviennent à la mémoire…

J’en retiens une pour la route :

« Ressentir son propre poids sur les autres et…s’en aller… »

                                                                                              (Baume des regards)

                                                                                                                                                                                                   Michel Ducobu