Julie HUARD, PAYSÂMES et miroirs du monde – Editions  MEMORY (Belgique) et DAVID (Canada), 2015, 27 euros.

Paysâmes : ce mot nous en dit long sur la façon dont Julie HUARD voit le monde : c’est qu’ici, on ne voyage pas avec l’appareil-photo en guise de cerveau, on bourlingue à travers le monde avec son cœur, son âme, tous ses sens. Ici, on erre avec ses rires, ses pleurs, sa révolte, son dégoût, ses peurs…. Et l’amour de l’humain transparaît à chaque page par ceci qu’avec Julie HUARD nous ne sommes pas touristes, mais frères, sœurs allant au devant des autres, les découvrant avec chaleur, nous insurgeant contre les souffrances infligées.  Ceci encore : Julie HUARD donne à voir  le dedans  des êtres et des choses et leur par-delà.

Qu’on en juge parmi les découvertes qui attendent le lecteur : l’érotisme du Chan Chan à Cuba (« La musique gicle de partout et chaque morceau de moi la reçoit…..Je suis poreuse… »), l’amour dans les yeux d’un enfant de gouttière, un cireur de chaussures à Katmandou (« Certains êtres illuminent comme ça sur leur passage. Ils allument des chandelles sous notre peau…. Ca nous barre la route avec une clôture de fleurs. Et si on veut, si on peut, on cueille. »), le contraste entre l’horreur d’une lapidation et l’envoûtement d’un texte ancien « dans la bouche râpeuse d’un vieux » à Ispahan, une femme mutilée, en Thaïlande, femme girafe,  dont les anneaux rongent les os et qu’on aide comme on peut, d’autres encore, telle la Nubienne, dans le désert en Egypte, qui « voudrait hurler en louve pour invoquer un autre sort », et marche, incomparable, femme , mystère, « dans la flamme de ses pas », figure biblique, ou, à travers une vitrine à Bangkok, «  le numéro treize, la cadette. La  toute menue, la toute perdue dans l’étalage », celle aux yeux d’orchidée……

Enfin, ce style qui nous porte au-delà de l’apparence des choses.  Julie HUARD, grande voyageuse, s’y entend pour  exprimer le mouvement (le Thibet pour elle est « terre émouvante à vie accrochée à vos hanches ») ou ce qu’elle ressent. Par elle nous pénétrons les choses et son ressenti est magnifiquement dit : « Il y a des heures parfois qui pleuvent sur les êtres comme des pépites. Ou des prières ». Et les photos qui parcourent le récit illustrent parfaitement l’écrit.

Refermant ce magnifique livre, on n’a qu’une envie : faire le voyage avec elle pour guide, ou comme elle, avec ses yeux.

                                                                                                          Michel WESTRADE

                                                                                                          10 février 2016