Olivier Terwagne , Mal blessée – Sous-titre «  Journal philo amoureux 2.0 d’un enfant du siècle »édition », éd. Traverse, 2017

L’écriture d’Olivier Terwagne oblige à une attention de tous les instants. Dans sa postface, il explique sa découverte d’un journal intime d’une certaine Constance, une Chimacienne (habitante de Chimay, petite ville belge proche de la France, réputée par sa bière) amoureuse d’un guide grec Kiriakos.

Après un début où il s’amuse à des aphorismes faciles, l’auteur déploie son écriture On peut la qualifier de poétique, de cette poésie qui s’articule dans un mouvement où tout vient de partout et qui finalement donne sens comme le fait un puzzle en se construisant.

Chez Olivier Terwagne, tout peut partir par exemple d’un son dans un mot : C’est le moment où la musique est l’inspiratrice pour quelque temps. Puis on la quitte parce que soudain,c’est le fondement d’une similitude d’idées qui l’emporte, laquelle peut nous mener à la philosophie grecque et à des passages où la culture est tellement fouillée que l’auteur offre à son lecteur dix pages de glossaire en ajout à la fin du livre, tant ses connaissances balaient l’espace et le temps, sans limite, sans prévision.

C’est ainsi que l’histoire actuelle et même la politique et même la chanson trouvent soudain une place inattendue. De même que les récents attentats. On a envie de penser à la formule « Tout est dans tout et réciproquement » mais ce serait trop facile car, il ne faut pas perdre de vue que l’auteur ménage de courts chapitres titrés (et datés d’endroits toujours différents !) pour conter les sentiments de Constance, qui s’épanche sans retenue dans l’écriture de son propre amour pour ce Grec taiseux qui peut-être la trompe mais dont l’érotisme est en elle-même une philosophie grecque et donc universelle pour Constance.

Du titre, on trouve trace certifiée dans ces quelques vers dont la complexité n’est évidemment pas absente :

« Mon éternel bonheur à moi /C’est d’être une mal blessée/Que l’on caresse/Chaque matin/Avant la clope/Avant le train »

Le sous-titre « Journal philo amoureux 2.0 d’un enfant du siècle » montre que l’auteur veut capter un présent au jour le jour en s’inscrivant bien dans son époque, celle des ordinateurs, tellement loin de la « Confession d’un enfant du siècle » du romantique Musset, à laquelle l’auteur a dû penser. Comme l’écrivait Bob Dylan, récent prix Nobel bien de notre présent : « Les temps changent » ! C’est ce que vit à sa manière l’inconstante Constance.

Elle écrit à ce sujet : « Penser l’inactuel, c’est regarder le présent avec des yeux anciens. sans pour autant faire bégayer l’histoire.C’est produire une lecture de l’actualité en tant qu’elle est située dans le temps long. »

Dominique Dumont