Tristan Alleman, Sidérales, poèmes, éd. Traverse, coll.Carambole/poésie. Couverture:eau-forte de Véronique Goossens. la même légèreté de touche.

Rappelons que Tristan Alleman a été le lauréat de notre concours de poésie 2019. Les lecteurs retrouveront dans Sidérales la même fantaisie ailée, la même légèreté de touche qui faisaient le charme de son recueil de nouvelles,Fugitives, paru en 2018 aux mêmes éditions.

S’il est, comme le croyait Shakespeare dans La tempête, et bien d’autres avant et après lui, des esprits de l’air, comme Ariel; s’il est des poètes, comme John Keats, dont le nom, comme le croyait Percy Bysse Shelley, fut écrit sur l’eau, et laissa cependant une trace ineffaçable, alors, Tristan Alleman est sûrement de ceux-là. Les mots, dès qu’il les touche, se mettent à ruisseler d’un léger brouillard, vaporeux, les rayons de la lune exaltent les paysages de la nuit, l’écume des vagues rejaillit sur les rochers du rivage, comme sur une aquarelle de Turner…car c’est l’une des vertus du vrai poète que de changer cette écume en écho, et d’en laisser la trace ineffaçable dans les rêves de ceux et celles qui ont le privilège de l’entendre.

Ecoutez plutôt, Les errants: Comme des fumées / comme des encens / leurs doigts brûlent /leurs doigts vivent / // Leur âme trime / d’une eau vive / d’une eau vive /  comme un enfant / d’une eau vive / comme le sang // Où niche l’âme sans borne / des vagabonds / des errants?

Tout ici est parole et musique, les répétitions, une sorte d’écho, celui du ressac qui vient toucher le rivage – les parfums, les couleurs et les sons se répondent, et tout y parle en secret à l’âme profonde, enfouie sous les soucis, les souffrances du quotidien. Non pas fuite, mais approfondissement, jusqu’à ces couches profondes de l’être où enfin règnent la paix et l’harmonie secrète de l’être comblé…

Il avoue l’influence de Supervielle, de Mallarmé, de Michaux: ce ne sont pas de mauvais maîtres.

C’est un don bien rare que vient nous faire partager ici Tristan Alleman. Qu’il en soit remercié. Mais je ne voudrais pas vous quitter sans l’écouter encore, dans Les amants:

Quel affleurement d’eau / quel étrange bruit d’ailes / en hommage aux géants / dans leurs yeux qui sont nôtres // Une ivresse sans gêne / porteuse de tempête / et le rire anodin / de milliers d’hirondelles // Ils n’avaient qu’un instant / pour vivre de leur art / ils n’avaient au hasard / qu’une ombre à déchirer // Ils n’auront d’autre nom / que leur trace en ces lieux.

Joseph Bodson