Martine Rouhart – Agir et accueillir, réédition six ans après – 126 pages – 12 €

Un ouvrage petit par la taille mais riche de contenu. Attrapée au coin de la vie par un cancer sournois, Martine Rouhart ne se laisse pas abattre. Obligée, par la force des choses, de ralentir, de se retrancher de la vie active, de subir de plein fouet la maladie et les traitements, elle rebondit en mettant à profit ce temps de latence et de souffrance pour « penser » et pour noter ce qu’elle ressent, ce qu’elle comprend, ce qu’elle voit changer en elle et autour d’elle pendant ces mois consentis au cancer, ces mois où elle mettra tout en œuvre pour en venir à bout et même faire de cette épreuve une occasion de grandir en force et en sagesse.

On aurait pu mettre le titre à l’envers : Accueillir et agir. Car la première étape était bien d’accepter, et non seulement d’accepter mais d’accueillir le cancer, de l’apprivoiser, d’en tirer profit et de vivre intensément chaque moment, de réapprendre à savourer les choses, le rayon de soleil, le merle au jardin, les mille clins d’œil de la vie… Garder l’espoir et le goût de vivre, sans toutefois se bercer d’illusions. « La vie est partout, brève mais intéressante, intense, insouciante. Elle est en moi aussi, pressante. Non, ma vie ne tient pas qu’à un fil. Chaque jour, chaque minute, je tresse consciencieusement un cordage qui doit résister à la volonté de puissance des forces contraires. Dur et rugueux, il est forgé de résolutions, d’acceptation et d’une part de résignation. » Elle semble avoir trouvé le juste dosage, la bonne attitude à prendre face à la maladie, acceptant de son mieux les hauts et les bas, les moments de bonheur à se voir surmonter l’épreuve et les moments de faiblesse, où on lâche prise. L’important étant de se relever après chaque chute, comme dit Confucius. Entre solitude et présence des proches, elle navigue, à la fois fragile et forte, patiemment, « laissant libre cours à sa nature contemplative, pour vivre plus par la pensée que par l’action. »

Elle nous livre ses états d’âme et ses états d’esprit en brèves notices sincères et bien tournées, qu’on peut lire en piochant de gauche à droite, comme un recueil de poèmes ou un psautier où picorer une certaine joie de vivre, une volonté tranquille, le témoignage d’une malade qui guérit. La présente édition est complétée par une ajoute, écrite six ans après, où Martine Rouhart nous dit – et c’est sans doute le mot de la fin : « Si cet « épisode » était le prix d’un commencement de sérénité, ce n’est pas si cher payé. » Elle porte désormais une attention plus vive à la vie et aux autres. Et, cerise sur le gâteau, elle a prolongé le processus d’écriture entamé dans des oeuvres de fiction, que salue Claire Anne Magnès dans la préface qui ouvre le livre.

Bilan positif donc et tout le monde s’en réjouit. Comme le dit si bien Sylvie Godefroid, il y a de belles choses à vivre après un cancer.

 Isabelle Fable