Isabelle Fable, Ces trous dans ma vie, récit, MEO 2019, préface de Gabriel Ringlet

Ce livre ne se raconte pas. Impossible d’écrire un long papier, impossible d’essayer de mettre d’autres mots dans les pas de ce récit, impossible d’en rajouter. On écoute Isabelle et la pudeur interdirait de faire état de ses propres souffrances. Ce serait comme noyer sa douleur dans la douleur oh combien universelle -on le sait bien-, cela reviendrait à relativiser l’insupportable, presque à le banaliser.

Isabelle convoque dans ce livre ses souvenirs et «  ces trous dans sa vie », elle revit par l’écriture la mort de ses proches, l’une après l’autre, celles de son père, de sa mère de son mari et, très récemment, la mort de son fils aîné, Olivier, parti si jeune en emmenant pour toujours avec lui une grande part de son secret.

Ne nous y trompons pas, en dépit d’une belle écriture ciselée et délicate, le livre, porté par la vérité crue, est dur à lire, les détails presque insoutenables. Mais on va jusqu’au bout. Impossible autrement. Ne rien laisser de côté. Comme il était impossible à Isabelle de ne pas tout dire.

C’est d’ailleurs ce qu’elle souhaite, « J’écris pour tous ceux qui sont amenés à perdre un jour ou l’autre un être cher et qui en souffre, pour leur dire que tout n’est pas fini, que la mort ne tue pas tout. On garde un lien profond avec son disparu, en dehors de toute présence physique, un lien qui sublime l’absence et nous aide à supporter l’insupportable ».

On le sait, c’est aussi dans les ténèbres que se trouve la lumière, dans les ombres portées ; des lueurs, on en trouve aussi, heureusement, beaucoup. Dans les souvenirs, dans ce qui est encore à donner à ceux qui restent, dans le simple bonheur d’être. « La mort ouvre la porte de la vie, elle ouvre une brèche. Il faut oser s’y faufiler ». La vie continue. La grâce des jours uniques…, pour reprendre le titre d’un ouvrage de Gabriel Ringlet qui signe, pour le livre d’Isabelle, une belle et très douce préface.

 

Ce que l’on peut souhaiter à l’amie Isabelle, Isabelle la discrète, c’est qu’écrire toutes ces lignes, arrachées à elle-même, l’aura aidée à avancer. En dépit de.

Car même pour rester où l’on est, on est obligé d’avancer…

« Être

Être simplement

N’être même qu’un mouton sous le poids de sa laine

Ou ce brin de muguet câliné par la brise

Un insecte éphémère butinant l’ombre chaude

Être la pierre blanche ou la nuit veloutée  (…) »

 

 

Martine Rouhart