Philippe Colmant, Le silex des jours, poésie, Demdel, 2019

Le nouveau recueil de Philippe Colmant boucle, de l’aveu même de l’auteur, une sorte de cycle. Dans « Du bout du jour », « Quelque part au large » et « Le silex des jours », des thèmes reviennent, récurrents, qui creusent chaque fois un peu plus le sillon. Le sens de la vie, la mort, les souvenirs, la fuite du temps, l’impermanence des choses et, toujours tellement présent dans tous ses recueils, l’amour comme seule vraie valeur.

Il dit l’existence comme elle est -vue de l’intérieur-, belle et pleine de trous. Un dialogue entre la vie réelle et la vie intime où le poète s’interroge, exprime tout à tour la tristesse de ne pas pouvoir plus : Il faudrait sublimer/Et vivre davantage/Additionner les riens, /Multiplier le peu, /…), et la joie des profondeurs : S’offrir, s’écarquiller, / Surtout s’écarquiller, /Jusqu’à la plénitude, /Jusqu’à ne plus mourir. Au fil des années, l’écriture s’est faite plus incisive, plus forte, plus poignante.

Ce recueil-ci a des reflets plus sombres et il n’y a pas de hasard, de (belles) photos (de l’auteur) en noir et blanc ont pris la place des images de cieux -certes souvent tourmentés- qui illustrent ses précédents recueils. On ressent ici des blessures à vif, la douleur d’une absence, on devine un désespoir, et que peut-être, quelque chose s’est défait … Des mots le crient, coupants, cinglants : recroquevillé/mon ombre arcboutée/mon cœur caillassé/ lacéré/cris incarcérés/une balle dans la tête, …

Je garde sur ma peau/Des cicatrices mortes, /Les tombes du passé/Avec leurs croix de pierre, /De mousse et de silence. 

On lit la nostalgie, quelques regrets, l’incertitude des heures à venir, l’invasion furtive des doutes, comme un voile de désillusion qui plane, grand oiseau immobile.

Il faut déjà / Marcher longtemps/ Sous le ciel gris/ Et cette pluie, /La lente pluie/Des heures mornes, /Pour reconnaître/Sur l’horizon/ La lueur bleue/ De l’embellie.

Mais la lumière sourd d’entre les lignes, cela ne peut être autrement, la vie est ainsi, et un espoir éclate soudain au grand jour, comme une renaissance.

Le ciel ouvre parfois/Une plaie de silence/Sur une autre lumière/Comme pour attirer/Les rêves -papillons/ Tout est dans le coup d’ailes.

(…)

Après avoir bu sec, / Trié mes brins de chance/ Et arraché ma peau, / Il y eut cette éclipse/ Et puis ma renaissance. / Depuis, je vis pour deux, / Je m’éclaire à tes yeux/ Et je bois à ta bouche, / A ton rire si clair/ Ranimant la montagne.

 Envers et contre tout, c’est bien l’amour qui l’emporte :

Je porte autour du cou/Un étrange bijou:/ Ce silence éloquent/Serti dans ton regard. /Il bat contre ma peau. /Comme un cœur extérieur/Qui répondrait au mien/Dans sa langue secrète.

Même si le temps n’arrête pas de passer et qu’à la fin, le poète se demande encore :

Combien d’heures encore/Reste-t-il pour aimer ?

Martine Rouhart