José Havet, Pour Rebecca, poèmes, éditions Mer Bleue, 65 pages.

 

Le recueil s’ouvre et se ferme sur un poème à Rebecca, la fille de l’auteur, morte en 1987, à dix-sept ans, avec, entre ces deux textes, un choix de poèmes offerts comme un cadeau posthume à Rebecca.

Ces textes, dont certains datent de plus de trente ans, sont répartis en trois sections – Mes jours s’embranchent, Dire vous, et L’obscur – le tout précédé d’un long avant-propos de l’auteur sur le recueil et sur la fonction de la poésie.

Évoquant notamment le « Kaddish » d’Allen Ginsberg, si proche de son poème liminaire à Rebecca.

Les textes de la première partie du recueil sont des poèmes de jeunesse. Ceux de la deuxième partie, Dire vous, sont consacrés « au thème de l’aliénation, de la distanciation entre l’auteur et le texte ». On y trouve de longs vers consacrés à Jules Laforgue, poète « transparent ». Alors que la troisième partie critique l’obscurité en poésie :

Illisibilité que le mystère embrume / Et dont on ne peut pas même cerner le thème […] Je n’obéis qu’aux lois que mon plaisir réclame .

L’obscurité en poésie « étouffe non seulement toute possible rationalité, mais souvent même l’émotion, et ce au travers d’une relation autoritaire avec le lecteur ».

Les poèmes les plus touchants sont ceux à Rebecca, pleins d’amour et de révolte, car comment ne pas se révolter devant la mort d’une jeune fille, une jeune fille qui a subi un avortement, qui a souffert de non-amour et n’a trouvé que la mort dans sa prime jeunesse. Cela s’est passé il y a plus de trente ans, mais la plaie ne s’est jamais refermée pour le père, qui nous peint en quelques mots forts la vie et la mort de sa fille.

ta vie / marquée au fer rouge

me dire ton avortement / et l’ordre de ta mère / de le faire et de le taire

Et le regret de ce qui n’a pas été, de ce qui aurait pu être, ce qui aurait dû être, transparaît dans ces vers poignants :

ô maintenant tu es / Rebecca l’accidentée / la presque mère

Et le regret lancinant du manque de communication :

lettres non envoyées / mort-nées / entassées / dans une boîte à chaussures / abandonnée / dans ta chambre à coucher.

Ce recueil atypique véhicule à la fois des idées et de la poésie, à l’image de la revue belgo-canadienne Transparence, revue de poésie et des idées, que José Havet a fondée avec Francis Van Dam, alias Pierre Guérande et qui publie un unique numéro par an, riche de textes de fond, poèmes de divers auteurs, lectures et notes biographiques.

Isabelle Fable