Jean-Baptiste Baronian, Dictionnaire de la gastronomie et de la cuisine belges, Rouergue, 2019.

L’auteur nous avait déjà emballés avec son formidable Dictionnaire amoureux de la Belgique, le voilà qu’il nous régale une fois de plus (dans les deux sens du mot) avec son nouvel ouvrage consacré à la gastronomie et à la cuisine belges. Non pas qu’il s’agisse seulement d’un livre de recettes de 300 pages mais tout au contraire, d’une étonnante encyclopédie qui marie habilement histoire, linguistique, folklore, littérature et, bien entendu, cuisine quand il est bienvenu de mettre l’eau (et la bière) à la bouche des lecteurs… A la parcourir, à la dévorer même, l’on cesse d’être un simple consommateur, un exécutant mais le curieux devient rapidement un vrai connaisseur, un fin goûteur des bonnes choses du pays, qu’elles soient du terroir ou de l’esprit, du fourneau ou encore de l’imagination débordante de nos magiciens de la vie quotidienne, chefs ou simples ménagères, industriels ou humbles artisans de nos villages et campagnes. Quel trésor ! Quelle richesse ! A vous gonfler d’aise sans trop vous gaver car le but du livre est de vous faire goûter à « un peu de tout » sans jamais vous faire tomber dans le péché de gloutonnerie ni culbuter du tonneau mousseux de Gambrinus. A ce propos, le connaissez-vous, ce Jehan Primus ou ce Gambrivius, roi de Cambrai ? Vous vous égarez dans les noms en –us, vous en perdez votre latin (de cuisine), consultez donc notre spécialiste que vous aurez bien du mal à quitter car il vous parlera encore de mille choses mystérieuses ou appétissantes : l’origine pharmaceutique du cuberdon, celle du caliche que suçait Hergé en dessinant Quick et Flupke, du bolus dont raffolait Léopold Ier, du bloempanch qui a donné à notre ancien ministre, Paul Vanden Boeynants, le surnom de Poll Panch, du pain à la grecque de la maison Dandoy qui n’a rien d’un Grec sauf le « y » grec, des roustiquettes, des spéculoos, des cannibales, du stoemp, du matoufé, du kipkap, de la fistouille ou encore du boestring, cher à un membre bien oublié de la Guépéou que seul connaissait le regretté Hergé : Boustringovitch… Bref, il vous faudra ingurgiter pas mal d’espateuille pour tenir le cap et retenir tout ce que notre Gargantian bruxellois a accumulé dans son copieux opus. Je ne voudrais pas vous priver in fine de la dégustation d’une petite pipe d’Ardenne dont la première représentation picturale remonterait à 1166 avant J-C, à l’époque de Ramsès III… Si ce n’est pas vraiment vrai, c’est drôlement drôle en tout cas… Goûtez et lisez surtout dix pages par jour au moins, avant chaque repas, et vous verrez la vie en rose (la couleur des superbes illustrations de Séverin Millet) et au moins, une fois, en vert, si vous aimez le meilleur plat bilingue du plat pays : la « paling in t’groen » de l’Escaut et son alter ego, l’anguille au vert de la Meuse. Il en est de ces fameuses anguilles, paraît-il, qui ont presque un demi-siècle d’existence ! Quel est, dites-moi, le roman d’aventures qui pourrait nous nourrir aussi bien ?…

                                                         Michel Ducobu