Jérémie Sallustio, Trois petits points de suspension parsemés d’Allumettes et de Pieds de Nez, Lille, The BookEdition, colArabesque, 128 p.
Jérémie Sallustio est un jeune écrivain qui s’essaie à des genres divers et s’empare de la langue pour aborder la littérature en y trouvant un plaisir évident à travers des formes courtes. « Trois petits points de suspension parsemés d’Allumettes et de Pieds de nez » mêle mots et photos, poésie et prose, aphorismes et textes plus longs, mise en page classique et typographie inventive.
Côté aphorismes, il y en a de drôles (Il suffit parfois de se surprendre dans un œil de bœuf pour vivre une métempsycose ), caustiques (Les moulins à paroles brassent du vent sémiotique), impertinents (Dieu est maure attribué à Mohamed Nietzsche). Certains ont déjà vécu chez d’autres auteurs (L’union c’est la farce comme titre de presse, de spectacle ou d’expo ‘culinaire’) et il aurait pu en faire l’économie.
Par contre, Chavée n’aurait pas désavoué Jésus avait très certainement le pied marin ; Michaux Tu me parles de sens, mais c’est marcher qui m’intéresse ou Il grinçait des dents devant l’absurdité des portes voire Prenez garde à ce que les arbres n’aient pas vent du syndicalisme et Scutenaire Ophelia noya son chagrin dans ses menstrues cristallines. Plusieurs sont de la lignée de Topor ou de Desproges.
Des historiettes s’insèrent çà et là. C’est teinté de fantastique comme celle de l’homme au cœur de gruyère, de celui dont la pensée a deux millimètres de diamètre, du jeune homme traînant son appartement derrière lui. Et même un mini-délire langagier rend un hommage déjanté à Verheggen avant de laisser place à des repères biographiques de la plus haute fantaisie.
Des poèmes s’ajoutent, parfois rimés, parfois libérés comme on dit dans les annonces de concours plus ou moins provinciaux. Il y a là, en général, des velléités de parodie et de pastiche. Puis, voilà des listes et des inventaires dont fut si fervent Perec. Pour aérer le regard, des photos. Essentiellement des reproductions de tableaux agrémentées d’une légende laconique, iconoclaste, impitoyable, impayable.
Sallustio nous a donc concocté, de briques et de brocs, un recueil fourre-tout, plutôt drôle car farci et pimenté d’un humour sans tabous. De quoi sourire et rire, en ces temps où l’on chante volontiers la vie en morose.
Michel Voiturier