Fernand Tomasi, La solitude des tabernacles, Roman, Editions Memory, 2014

solitude

Plus qu’un roman, La solitude des tabernacles est une longue méditation Le narrateur (l’auteur ?) affirme vouloir se pencher sur l’existence de son cousin André et de son amie Laure. Il dispose à cet effet d’un ensemble de documents – pages de journal intime, lettres, notes – envoyés par un inconnu.

Laure a été mariée, mais son mari est décédé dans un accident de voiture. Ce qui la définit le mieux est son activité de sculptrice. Malade, elle sait que ses jours sont comptés. Aussi est-elle guidée par son souci d’aller à l’essentiel et de fuir les dérives du monde moderne : le bruit, la course à l’argent, les compromissions et les plaisirs superficiels. À tout cela elle oppose le silence, la solitude, les relations authentiques et la recherche de la transcendance.

La première moitié du récit relate le voyage d’André en Belgique, où il retrouve Laure, son amie d’enfance, dont il est secrètement amoureux. Dans la deuxième partie, André retourne au Québec où Laure le suivra peu après. Sa santé se dégrade. Elle continue néanmoins à sculpter, mais elle peine de plus en plus à faire jaillir de la matière les formes intériorisées de ses rêves. André et Laure vivront un amour où l’abandon des corps devra souvent céder la place à la tendresse. Un rêve érotique sera une des rares concessions faites au plaisir des sens. André assistera Laure dans ses derniers jours, tandis qu’un ami amérindien s’occupera des funérailles selon le rite du retour à la nature.

Le récit comporte un grand nombre de lettres. Certaines revêtent la forme de longs poèmes en prose où le narrateur projette ses idées sur l’art, la vie, la mort, l’amour ou la nature. Laure semble bien être le porte-parole de l’auteur, lui-même sculpteur. De longs passages évoquent les techniques de la sculpture, les outils et la patience nécessaire pour animer un bloc de bois ou de marbre. Toujours ce travail est associé à la réflexion sur les grands thèmes de la vie.

On peut considérer que La solitude des tabernacles est le Testament spirituel de Fernand Tomasi, le texte où il a concentré l’essentiel de ses convictions forgées tout au long d’une vie féconde : Ces pages sont prémonition de mon propre devenir. Ajoutons que Fernand Tomasi est aussi un sculpteur de mots : Au loin vers l’ouest fertile veille sur sa colline la forteresse de la vie. Le jour s’y protège dans les murs sombres. La nuit allume les veilleuses de l’amour, se love dans la tiédeur des couches accueillantes. Mes rêves guettent quelque invasion brutale…

Jacques Goyens