Alain Van Crugten Korsakoff roman éditions M.E.O (2024, 225 pages, 21 euros, réédition, prix Rossel des Jeunes en 2004 avec les éd Luce Wilquin)

Un écrivain se raconte-t-il toujours un peu quand il parle des lieux avec une précision ressentie tandis que, pour certains passages, l’extravagance des situations paraît invraisemblable ?
Les faits paraissent étranges, mais souvent plausibles. Le lecteur se fera progressivement sa propre idée tandis qu’émane tôt l’idée de créativité : « Au fil des ans et de l’acquisition du savoir scolaire, je me mis à préférer la scène où j’étais le messager vêtu de noir/…/Dans la scène suivante j’étais le maître des cérémonies aux funérailles grandioses de ma grand-mère dans la cathédrale de notre ville ».
Il y a dans ce roman une jubilation certaine à observer, à susciter sans cesse la réflexion de l’imaginaire : « Ah, Sébastien ! Je passais la moitié de la messe à le contempler du coin de l’œil, j’en avais des crampes à la nuque, à le reluquer sans tourner la tête pour ne pas avoir l’air distrait ».
Langage très belge pour ce roman persillé de frites sauce rue Haute ou rue Blaes, le tout truffé de situations improbables comme cette évocation d’un échange possible entre une œuvre pressentie de Rubens avec une villa « huit chambres » à Ostende.
« Alain, Eugène, Léon » se raconte jusqu’à expliquer l’origine de son prénom. Toute une société défile ainsi à travers différentes évocations familiales avec un humour parfois ravageur tout en jouant de mots très funambules avec une grande culture toujours présente et où l’instant biographique semble parfois présent.
Quelque chose de jeune dans le ton confirma sans doute la motivation d’avoir reçu pour ce roman le « Prix Rossel des Jeunes ».
L’humour et la façon de traiter les relations humaines ou intimes m’ont  parfois fait songer à l’écriture de Jacques Sternberg.
Quelques symptômes médicaux évoquent progressivement, en parallèle, le syndrome de Korsakoff .

Patrick Devaux