Anne Duvivier, Un amour de psy, roman, éd. M.E.O., 2019.

Anne Duvivier, est journaliste et thérapeute, mais ici, comme le titre l’indique, c’est un psychologue, ou mieux un psychanalyste, qui est son point de mire. Un psychanalyste en plein désarroi – cela arrive. Le fait de voir clair dans l’esprit des autres n’empêche pas, à l’occasion, de se trouver soi-même en plein désarroi. Et, de chapitre en chapitre, les choses ne vont cesser de se déglinguer, plutôt que de s’arranger.

Anne Duvivier a le don de ne pas dramatiser, de prendre tout avec une pincée d’humour. Son style est alerte, jubilatoire, sautillant parfois même. Con allegria.

Il n’en va pas de même de son psychanalyste, vite dépassé par les événements, qui ne trouve pas les mots qu’il faudrait dire, ou plutôt les trouve quand sa cliente est partie. Un psy naze, dit-il de lui-même. Un peu dans le style Woody Allen, toujours en décalage par rapport à la réalité. Sa mère le harcèle; de plus, sa femme est tombée amoureuse d’une autre femme. Et puis, il y a sa fille, ses petits-enfants…De quoi remplir une vie à ras-bord, et même la faire déborder. Le résultat? p.100, Il allume sa lampe de chevet. Le seul moyen d’arrêter de penser: se tirer une balle dans la tête. Thanatos. Le hic, il n’est pas suicidaire. Ne l’a jamais été. Même dans les moments les plus noirs, il est toujours retombé sur ses pattes. A quoi ça tient, cette pulsion de vie qui lui colle à la peau? Il est tombé dans le chaudron quand il était petit.

Voilà, le ton est donné. Cela aurait pu faire un roman noir de noir, mais cela fait plutôt les Petites ironies de la vie, pour reprendre le titre d’un ouvrage de Thomas Hardy, qui n’est pas vraiment un auteur folichon. Ici, le désespoir est bien caché, comme dans ces dessins humoristiques où il faut retrouver un chasseur muché dans l’arbre au pied duquel son chien, perdu, lève désespérément la tête vers lui.

Non, je ne vais pas déflorer l’histoire, ce serait lui ôter tout son sel. Disons seulement que cela finit pas un enterrement de deuxième classe, qui n’est pas tellement triste, bien au contraire: notre psy s’y sent solidaire, et uni par des liens quasi familiaux avec tous les assistants. Ne sont-ils pas tous embarqués dans la même galère? Avec Robert, il pourrait même se bourrer la gueule. Comme du temps où il était étudiant,, jusqu’à ne plus savoir qui il est…de toute manière…qui est-il ?. Entre-temps, il n’échappera pas au rituel du serre-pince, la famille version réduite en rangs d’oignons sur le parvis de l’église. Martin vient de le rappeler à l’ordre en le tirant par la manche. Qu’à cela ne tienne, il doit bien cela à sa mère, cette sacrée cachottière!

Joseph Bodson