Anne-Marielle Wilwerth Naître à l’immense Les Chants de Jane n°35 (2023,28 pages, 5 euros)

Si « chaque traversée de soi/laisse des traces/que même l’après/jamais/n’efface », Anne-Marielle se pose autant la question de la source première que de la mystérieuse destination, révélant le moment suprême de l’instant entre ces deux infinis, restant patiente de tous les « possibles ».
Son écoute est entièrement orientée à se rendre compte et surtout à révéler, l’ « imperceptible ».
La poète a l’adjectif juste et franc pour en faire des noms communs à la résonance échographique laissant l’oreille vibrer à l’instar de ces bols à sons qu’utilisent les moines bouddhistes, sa poésie étant respiration et, en effet, presque bol chantant tibétain, suscitant la profonde relaxation.
Qui connaît Anne-Marielle la sait poète jusqu’au vertige de ses iris très bleus plongeant dans un tourbillon de mots qui jamais ne s’arrête : « Que savons nous du réel/dont l’horizon/sous nos yeux/déjà/craquelle », la question n’étant achevée par aucune ponctuation qui en limiterait l’écho, sa source première.
Sans cesse tournée vers l’avenir, Anne-Marielle nous encourage à « décoller une à une/les pensées jaunies/pour éviter qu’inconsciemment/le présent/ne les recopie » révélant des infinitifs doucement progressifs à laisser éclore la maïeutique de l’instant, ce moment privilégié entre conscience, inconscience et les deux infinis qui nous taraudent tous.
Pas de doute pour moi, découvrir son œuvre, ses mots justes, c’est une des façons de « naître à l’immense ».

Patrick Devaux