Aimer lire, aimer écrire. Ecrire ou la réparation créative. Ouvrage collectif coordonné par Annemarie Trekker. éd. Traces de vie, 2015, 96 pp., 10 €.

L’ouvrage débute par un superbe exergue d’Hubert Nyssen, que l’on ferait bien de méditer souvent: Désirer, c’est à la fois prendre conscience d’une absence et tendre vers sa résolution, c’est percevoir et agir. Or la lecture n’a pas d’autre vrai mobile. Elle n’est justifiable que dans la mesure où elle répond à cet appétit de vivre, d’éprouver, de ressentir, de connaître, bref dans la mesure où elle répond au désir par le plaisir. (Lira bien qui lira le dernier, lettre libertine sur la lecture, 2004). Il vient à point pour célébrer les dix ans de Traces de vie. Une entreprise vouée au succès, par un juste choix de ses buts, l’excellence de sa méthode, et, bien sûr, énormément de travail.

Etablir une relation intime de soi à soi et de soi à l’autre, nous dit l’auteure dans son introduction. Et, plus loin, amt Comme une vaste tapisserie dont on ne voit, quand on a le nez dessus, que le détail. L’écriture, c’est d’abord la mise à distance. Et alors, fil de chaîne et fil de trame, l’ensemble devient cohérent.

Et c’est ainsi que dans la contribution de Gerda Boeraeve, reviennent sans cesse les thèmes de l’oiseau et de la porte. Véronique Albert a choisi la citation de Claude Roy: J’écris pour pouvoir lire ce que je ne savais pas que j’allais écrire. Car l’ouvrage entier est bâti sur quelques citations parmi lesquelles les participants devaient choisir celle qui leur parlait le plus: on en revient, ici encore, au dialogue. Ecrire est un rendez-vous, il faut laisser trace. Et, plus loin: Je me réconcilie avec mon passé. Jean-Pierre  Vander Straeten évoque les poètes de la mer, pour nous confier in fine: J’ai déposé le crayon. Je me relis, je sais que j’ai écrit ces lignes pour me parcourir, dans l’espoir qu’une part de moi émerge au soir tombant. Annemarie Trekker nous rappelle que, petite fille, ‘elle lisait cachée sous la table autour de laquelle bavardaient les grandes personnes. Claude Javeau: la plume devance la parole. Louisa de Groot évoque les tables d’écriture.

Dans la seconde partie, Annemarie Trekker creusera plus profond, à propos de la réparation, évoquant son admiration pour Giono, surtout pour Regain: on ne saurait trouver plus belle illustration du thème. Elle se référera aussi, longuement, à Paul Ricoeur, le philosophe contemporain qui, par ses études sur le temps, sur le livre, est allé me semble-t-il, le plus loin dans cette analyse, celle du temps, de l’homme, de la rencontre. De quoi lire, de quoi méditer, de quoi écrire…Le chantier est ouvert, pour dix années encore.

Joseph Bodson