Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince, polyglotte en Francophonies, édition anniversaire éditée par Walter Sauer et Jean-Luc Fauconnier, éd. Tintenfass, 97 pp, 2023. 69239 Neckarsteinach (Allemagne), www.editiontintenfass.e.
Dans son introduction, Thomas Rivière, arrière-petit neveu d’Antoine de Saint-Exupéry, rappelle le succès prodigieux du Petit Prince : plus de 15 millions d’exemplaires vendus rien qu’en France, et c’est le livre le plus traduit au monde…
De son côté, Jean-Luc Fauconnier situe le cadre de cette publication, qui comprend 29 extraits du Petit Prince, dans des langues du domaine de la francophonie (pris au sens large), chaque extrait étant accompagné d’une traduction en français. Pris au sens large, car on y retrouve aussi bien des langues régionales issues du latin tout comme le français (provençal, picard, wallon…) que des langues répandues en d’anciennes colonies françaises, allant de la Martinique à l’île de la Réunion, et d’autres langues régionales situées en des pays autres que la France : Suisse, Italie…Cette publication comporte principalement des textes issus d’ouvrages publiés précédemment par Tintenfass, augmentées de cinq nouveaux chapitres inédits, et de cinq autres parus chez d’autres éditeurs.
Rappelons que Jean-Luc Fauconnier est président du Crombel (Comité roman du Comité belge du Bureau européen pour les langues moins répandues, asbl)
Pour vous mettre en appétit, citons quelques-uns de ces parlers : franco-provençal de Bresse, francoprovençal valdôtain, fribourgeois, vaudois, créole mauricien, louisianais, guadeloupéen, guyanais, réunionnais, et j’en passe.
Pour la Wallonie, les traductions ont été effectuées par : Bruno Delmotte (picard), André Capron (picard borain), Jean-Luc Fauconnier (wallon occidental (carolorégien), Guy Fontaine (wallon oriental (liégeois), Bernard Louis (wallon central – namurois), (Jean-Luc Geoffroy (lorrain gaumais), Roger Nicolas (champenois).
Toujours pour vous mettre en appétit, voici, choisis au hasard, deux courts extraits :
Come d’èfèt, su l’planète dau p’tit prince, come su totes lès planètes, i-gn-aveut dès bounes èt dès mwêjès-yèbes. Ça vout dire dès bounès grin.nes di bounès-yèbes, èt dès mwêjès grin.nes di mwêjès-yèbes. Mins on n’veut nin lès grin.nes. Èle dwârmèt cachémint è l’ têre jusqu’au momint qu’i-gn-a one di zèles qu’a l’ dâr di s’ dispièrter. Adon èle si stind èt bouter, d’abôrd sins ‘nn’oyu l’êr, on nozé p’tit inocint fistu après l’ solia. Si c’è-st-on djèt d’radi’s ou d’ rôzî, on l’ pout lèyî v’nu come i vout. Mins si c’è-st-one mwêje plante, i l’faut rauyî dè côp,, ossi rade qu’on l’a soyu r’conèche. È gn-aveut dès tèribès grin.nes su l’planète dau p’tit prince…c’èsteut lès grin.nes di ba.obab’. Gn-aveut à r’laye dins l’tère dèl planète. Èt on ba.obab’, s’on lumecinéye, on n’ s’ènnè pout jamés pus fé quite. I lî faut tote li place. I trawe li planète avou sès racènes. Èt si l’planète èst trop p’tite, èt qu’i-gn-a trop d’baobab’, i l’ fièt churer.
Et en effet, sur la planète du petit prince, il y avait comme sur toutes les planètes, de bonnes herbes et de mauvaises herbes. Par conséquent de bonnes graines de bonnes herbes et de mauvaises graines de mauvaises herbes. Mais les graines sont invisibles. Elles dorment dans le secret de la terre jusqu’à ce qu’il prenne fantaisie à l’un d’elles de se réveiller. Alors elle s’étire, et pousse d’abord timidement vers le soleil une ravissante petite brindille inoffensive. S’il s’agit d’une brindille de radis ou de rosier, on peut la laisser pousser comme elle veut. Mais s’il ‘agit d’une mauvaise plante, il faut arracher la plante aussitôt, dès qu’on a su la reconnaître. Or il y avait des graines terribles sur la planète du petit prince…c’étaient les graines de baobabs. Le sol de la planète en était infesté. Or un baobab, si l’on s’y prend trop tard, on ne peut jamais plus s’en débarrasser. Il encombre toute la planète. Il la perfore de ses racines. Et si la planète est trop petite, et si les baobabs sont trop nombreux, ils la font éclater. (Wallon central – trad. Bernard Louis)

Joseph Bodson