Approches de la lumière d’Harry Szpilmann éditions Le Taillis Pré
(2021, 18 euros)
Dans cette poésie où les oiseaux semblent figés dans une sorte de « non-vol », un message semble transmis et à transmettre tandis que, régulièrement, un texte ou une phrase insérée en italique paraissent transmis d’un ailleurs ou de quelqu’un d’autre faisant office de reflet et/ou d’interlocuteur.
Cette poésie vit la matière de l’intérieur et se nourrit de la transparence cosmique. Sans le savoir les mots flirtent avec les protons aussi bavards que leur apparent silence.
Être et Origine se conjuguent, sans autre précision, à tous les temps et il nous reste la Parole pour transcender. Les idées de l’auteur sont ainsi téléportées où bon lui semble non d’aller mais de se trouver puisque l’Etre est partout et le souvenir en fait partie tel cet écho : « chaque chrysanthème, chaque améthyste est un puits pour la soif ».
Usant de la majuscule, il y a prédominance du signe, de l’Indicible et de l’être fragmenté (parfois reconstitué).
Les oiseaux font office de messagers à diffuser la lueur. Servent-ils donc à parapher le ciel de nos incompréhensions ? En effet, ne sont-ils pas, eux, ceux qui « empêchent le ciel de faire naufrage » ?
Entre « chaos inexplicable de ses oiseaux », la lumière se fait jour sans pouvoir en expliquer le mystère. C’est un constat. Une interrogation majeure.
Tels des ronds dans l’eau, les mots se font ricochets d’un poème à l’autre suggérant une sorte de trame, un maillage calculé où filtrent l’air, l’eau, la terre (la pierre), les éléments premiers. Le langage se veut alchimie.
La pierre, notamment, se veut vocation première et essentielle à se contenter d’un état et non d’une modification, davantage caillou travaillé par le sentier que par œuvre humaine : « Il faut être initié/ à la plus pure simplicité/ pour pouvoir déchiffrer/ la mélopée des pierres ».
La réflexion fait songer aux très connues « Parois » de Guillevic. Même présentée en état inerte (avec la pierre) la fusion est rappelée indirectement (magma). Le son inaudible pour l’humain semble également jouer un rôle majeur. La façon de faire du poète a quelque chose, ici, du musicologue ou du joueur de triangle sans qui l’orchestre serait peu de choses.
Porteur du mot comme d’une torche, le poète éclaire l’Obscur à bon escient. Il faut, nous dit Harry Szpilmann, savoir sacrer la substance du rayonnement.
Nous sommes trop peu « voyants ». Heureusement, « La lumière unifie/ ce que sépare le regard ». Le poète s’y emploie également en s’apitoyant parfois de certains constats car « Lorsqu’un oiseau meurt/ c’est un peu de ciel/ qui disparait ».
Le poète, lui, in fine, se satisfait d’une certaine transparence qu’il essaie de comprendre et de partager.

Patrick Devaux