Une poésie charnelle

Arnaud Delcorte, Brahim Metiba, Méridiennes,  Bruxelles, M.E.O., 2015, 54 p.

Le titre possède en lui des évocations diverses. « Méridiennes » c’est d’abord un canapé, un mobilier associé à la sieste. Mais il s’agit évidemment aussi d’une allusion à ce concept géographique jumelé au midi, au sud et, prolongation logique du sens, au moment temporel où un cadran solaire abolit toute ombre parce qu’on est au milieu de la journée.

Il y a donc là convergence, dans l’imaginaire des individus, avec l’alanguissement physique lorsque l’heure marque une sorte d’arrêt et une position cartographique en pays méditerranéens. Ce que l’auteur souligne particulièrement puisqu’il intitule les parties de son recueil : Casablanca, Marrakech, Essaouira, Dakhla et qu’il termine par Ciel.

Les vers d’Arnaud Delcorte sont concis. S’ils ne se confinent pas à la mode des haïkus, ils en épousent la nécessité de la brièveté, la pratique de l‘ellipse. Il ne s’agit pas d’affirmer mais bien de suggérer, de laisser pressentir, de mettre en vue ainsi qu’en d’autres sens car le charnel se révèle en toute sa complexité, du tactile et du gustatif, voire de l’odoriférant.

Quelques textes sont des tableautins, lieux ou personnages. Beaucoup s’attachent à l’expression du désir. Les corps, leur peau surtout, exercent une attirance, se chargent de fugace, se teintent de doutes ou s’offrent « odalisque au masculin » ou « gueules d’amour », et parfois laissent une sorte d’amertume : « Le grain épais d’une peau mate / Gronde et grise / Comme l’ébauche du remords ».

En regard : des photographies de Brahim Metiba qui cadrent avant tout des personnes. Les visages parlent. Et aussi des anatomies. Une saisie plutôt intemporelle de présences rencontrées. Qui viennent donner à l’œil une diversité parmi les poèmes dispersés sur les pages qui s’essaient eux aussi au visuel par des émergences aléatoires de lettres bizarrement imprimées en grasses et selon une autre police que celle des vers.

Michel Voiturier