Béatrice Libert, Laurence Toussaint, Un arbre nous habite; l’Atelier du Grand Tétras, poèmes, 2019.

Un parallélisme qui va loin, en profondeur, esthétique autant que philosophique. En effet, non seulement nous sommes pareils aux arbres, et la durée d’une saison, qui lui est essentielle, est équivalente à celle d’une vie, qui est la nôtre. De plus, les constatations simples, évidentes même, qui parsèment le recueil, tantôt taches de couleur, tantôt lignes épurées de l’hiver, sont entrecoupées d’interrogations, émises par le « nous », ou mieux par le poète qui parle, Ou bien alors par l’arbre lui-même. Mais le tout se mêle et s’entremêle avec beaucoup de légèreté, Béatrice Libert met ici au jour, me semble-t-il, l’un des plus simples et des plus beaux de ses recueils, entrecroisant la légèreté de l’être de petite durée et de grands soucis que nous sommes, et la rudesse, la rugosité de l’arbre qui nous habite, et qui nous aide, si nous y  prenons garde, à franchir les moments les plus difficiles, les épreuves les plus sévères.

Ecoutons-la donc: Quel sarment serons-nous / Quand s’en iront tous nos chants // Lorsqu’un autre soleil / Enfantera d’autres oiseaux // Et qu’une autre étoile / Prendra corps // Dans la langue étonnée / De nos vies?

Pas un mot de trop, ici. La sobriété est de mise, et le silence, le recueillement, une sorte d’innéité qui nous ramène à l’enfance.

Ou bien encore: N’oublie pas dit l’arbre // Que tu es fait / Du même bois que moi //, Que tu te chauffes / Aux mêmes rayons que moi // Que tu as pied / Dans le même terreau que moi // Ta lumière est mienne // Et mes semences courent tes chemins / Tu es plus arbre que tu ne penses // Chacun de tes rêves / Abrite une feuille et sa rosée.

On ne peut mieux exprimer cette parenté qui est la nôtre. Dryade ou homme sauvage, c’est des bois que nous sommes sortis, il n’y a pas si longtemps, c’est d’eux que nous avons vécu,, et nous ne pouvons sans grand dommage détruire ce qui est à notre propre image.

Les photos de Laurence Toussaint se marient très subtilement aux strophes de cette célébration.

Joseph Bodson