Béatrice Libert, Le chevalier des sept couleurs, éd. Vagamundo Jeunesses, 2018.

Un livre pour enfants, assez grands tout de même, mais qui peut aussi être lu par des adultes désireux de colorier un peu une vie noyée dans le gris. C’est précisément la sensation qu’éprouve Noël, le héros, à la lecture d’un livre qui lui a été offert par son parrain. Livre porteur à plus d’un titre non seulement de couleurs, mais aussi de mythes anciens, de rêveries colorées: les adultes qui ont lu les ouvrages de Michel Pastoureau à propos du symbolisme et de l’histoire des couleurs en savent quelque chose. Et puis, comme il se doit, cerise considérable sur ce gâteau de toutes les couleurs, les voyelles de Rimbaud…si bien qu’il constitue aussi une ouverture sur la poésie.

On ira ainsi à la rencontre d’un cygne, au Pays Blanc, bien sûr, où toutes couleurs ont disparu. Il rencontrera aussi une petite souris, au Pays Blanc, initiateur du voyage. Il lui sauvera la vie, comme font tous les chevaliers servants qui rencontrent, par exemple, une vieille portant son lourd fagot, ou bien une gente demoiselle poursuivie par un méchant chevalier (noir, d’habitude), ou une petite fille qu’un énorme loup est en train de digérer…La souris, bien sûr, lui offre un talisman très précieux, qui lui permettra de continuer son voyage, avec une formule magique:

Je suis le Chevalier-des-Sept-Couleurs / Rien ni personne ne peut me résister

Il y aura encore un ours blanc, un bonhomme de neige, une colombe…Nous voilà bien loin de Robocop et autres monstres modernes, qui, à force d’en user, finissent par ressembler à des appareils ménagers un tant soit peu périmés. Non, de grâce, laissons aux enfants des espaces où ils puissent rêver, des espaces où le silence est roi, s’il en est encore…et laissons-nous bercer par cette griserie d’images anciennes, que soulignent si bien les dessins  de Mathieu Schmitt:

Noël avait compris qu’il avait sous les yeux un poème. Un poème aussi magique que son caillou. Ses mots transformaient le monde qui se peuplait joyeusement d’images, d’insectes, de frissons, de fous rires, de musiques, de mots d’amour, de mouvements, de mille et un délices.// Heureuses de revenir à la vie, les couleurs s’embrassaient, se mariaient et donnaient naissance à des tas d’enfants comme dans les contes les plus beaux. On vit même, au-dessus d’une forêt, un arc-en-ciel effacer les dernières traces de grisaille. Mais il se garda bien de gommer le blanc nacré de la mariée qui sortait de l’église au bras de son amoureux.

Voilà, à votre tour, à présent, Et si vous vous sentez pris dans la grisaille, je vous souhaite la clarté et les couleurs de tous les premiers matins du monde. Croyez-moi,  il en reste beaucoup, ne serait-ce qu’à Charleville.

Joseph Bodson