Le cahier orange roman de Bernard Caprasse     éditions Weyrich   (2020 , 17,50 euros)

 

« Je t’aime, Kurt je t’aime tellement, mais je hais tout ce que tu représentes » : cette phrase en dit long sur l’état d’esprit de l’héroïne relatée dans un « cahier orange » retrouvé par Anton en 1990 à la mort de ses parents.

Olga, à la fois amoureuse d’un officier nazi occupant et également impliquée presque malgré elle dans la résistance sera emportée ainsi dans le sillage de la Grande Histoire avec, bien sûr, la roue qui tourne quand on annonce l’arrivée des Américains et que, parallèlement, la Résistance, renseignée notamment par Olga marque des points alors que la Waffen  SS et la Gestapo vengent les leurs en massacrant des civils.

Se déplaçant à vélo, Olga va et vient suivant son instinct et son sens du devoir pour agir au mieux ou au moins mal ; « J’ai pédalé à une vive allure dans le crépuscule. Je cachais depuis quelques jours un des membres d’une forteresse volante qui s’était écrasée par accident. Il était blessé et devait être évacué. Un des lieutenants de Marc m’avait fait parvenir un message. Ils le prendraient en charge ce soir ou alors demain ».

Très vivants, les dialogues contribuent à rendre l’intrigue active.

Après la découverte du cahier, et faisant mener l’enquête, Anton soupçonne sa mère d’être Olga. Si oui, pourquoi l’avoir caché ? Qu’est devenu Kurt ? Que sont devenus les résistants ?

Ecrit presque de façon journalistique, l’auteur lève un voile sur une époque d’après-guerre particulièrement troublée où les règlements de compte ont eux aussi provoqué des dégâts collatéraux suivant les actes jugés.

« Vae victis », cette phrase prononcée par le chef gaulois Brennos qui avait vaincu Rome reste ici d’actualité alors qu’on devrait savoir depuis longtemps que la guerre ne fait que des perdants.

L’ambiance, essentiellement pourtant extérieure fait penser à celle du pourtant huis presque clos du célèbre court, efficace et brillantissime roman de Vercors « Le silence de la mer » qu’on pourrait presque écrire ici « Le silence de l’amer » tant les héros sont atteints.

Les actes de la résistance furent héroïques. On le sait. L’auteur agit essentiellement sur les conséquences de ceux-ci, avec la question essentielle de savoir qui est responsable de quoi :

« Il était fier, Mostert, lorsqu’il débarqua, flanqué de sa garde rapprochée, du dernier des camions américains rangés sur la place de Renval. Mêlé aux libérateurs, il s’attendait à un triomphe. Les ruines des maisons incendiées étaient encore fumantes. Un homme surgit des décombres, le commandant Laplume, un vétéran des colonies, respecté de tous.

  • Tu es fier de toi, Mostert ? Les tanks, c’est toi, le village massacré, c’est toi aussi ! Tu portais la Waffen SS dans ton célèbre sac à dos, sombre crétin.

Mostert aboya :

  • Laplume, ferme-la, je n’ai pas de comptes à te rendre. La libération, c’est grâce à nous aussi.

Il fut très seul tout à coup. Personne pour protester à ses côtés. De la foule, jusque-là silencieuse, un grondement monta des derniers rangs. « Oui, c’est vrai, explique-toi, Mostert ». Des hochements de tête accompagnaient les premières imprécations. La tension vida l’assemblée de sa joie. Un instant oubliés, les cercueils alignés dans l’église portes ouvertes devinrent les témoins accusateurs du maquisard.

Mostert prit peur. Il devait réagir sinon l’image du héros serait souillée du sang des otages. Il l’aperçut. La jeune femme avait mis pied à terre. Impossible de pédaler encore tant la foule était compacte. Elle se hâtait vers la cordonnerie.

Mostert hurla : C’est elle ! La maîtresse des boches. Arrêtez-là ».

Ce roman, bien scénarisé, peut devenir la motivation d’un film culte. Pour un coup d’essai, ce premier roman, travaillé à l’appui de véritables recherches historiques, est tout simplement …un coup de maître !

Patrick Devaux