Carmelo Virone Nous irons là nouvelles éditions MEO, 132 pages, 16 euros

On arpente quasiment la vie de tous les jours avec l’ambiance proposée par Carmelo. C’est ce qui fait le charme de ces nouvelles écrites, la plupart du temps, à la première personne. C’est un « je » affirmé qui observe tantôt chez le coiffeur, tantôt dans le tram avec un sens avéré de la description toujours ressentie à la bonne place et jamais pour remplir la page : « En s’installant, Michaël a aligné au mur, sur trois rangées, une quinzaine de petits cadres noirs, des portraits d’hommes qui mettent en évidence leur coiffure ou leur barbe soignées. Entre les portraits sont intercalées quelques photos découpées dans de vieux magazines en noir et blanc ».
Tandis qu’il fait fi de la monotonie le parcours de l’écriture s’active vers la complémentarité ou l’inattendu avec parfois de surprenantes évocations traitant de sujets à priori en dehors de leurs clous en plaçant le centre du monde de façon imprévisible tandis que l’auteur y va parfois également d’un jugement personnel :
« Dans l’anthologie de l’humour noir composée par André Breton, j’avais découvert la figure du boxeur poète Arthur Cravan, qui se vantait d’avoir les cheveux les plus courts du monde et avait été champion de France dans la catégorie mi-lourds. Plus tard, c’est dans une nouvelle de Jack London, une formidable nouvelle intitulée « Un steak », que j’ai fait la connaissance de Tom King, héros fatigué de la classe ouvrière qui avait trouvé dans la boxe un moyen de subsistance ».
Chaque lecteur trouvera sans doute chaussure à son pied avec l’une ou l’autre des nouvelles. Ce n’est pas la première proposée « mise à nu par ses célibataires » qui niera le fait tandis que la nouvelle parle de « chaussettes dépareillées » : « En fait, sous des apparences variées – Arthur avait fini par s’en rendre compte – nombre de bas, collants, chausses et chaussettes ont apporté leur contribution à l’histoire de l’art, surtout, évidemment, dans les portraits en pied, où le bout d’étoffe, dépassant d’une chaussure témoigne de l’importance du personnage représenté : bas de soie pour les nobles et les riches, de coton ou de laine grossière pour les moins nantis, et la texture tannée de leur peau pour les va-nu-pieds ».
Avec toujours, de biais, un regard pour le fonctionnement ou dysfonctionnement de la société, l’auteur poursuit sa quête avec « assertivité », ce dernier mot annonçant, par ailleurs, une des nouvelles.

Patrick Devaux