Catherine Berael, Cabotage aquarelles et textes de Catherine Berael, avant-dire d’Anne-Marielle Wilwerth éditions Le Coudrier (18 euros, 2020)

« Rencontrer », tel serait le verbe premier de Catherine Berael si on ne devait en retenir qu’un seul.

Commencer par des adieux pour ouvrir un livre, voilà qui déjà offre des perspectives, la porte claquée faisant office de nouveaux départs : « La voiture nous attend, les portes claquent et nous nous asseyons côte à côte pour quelques heures encore… ».

Si les rêves sont froissés, les souvenirs jamais et non plus l’espérance à s’attendre à d’autres désirs.

Sans être béat, l’optimisme, prenant forme de voyage, n’est jamais loin.

Une certaine douceur imprègne ainsi les mots entre eaux douces ou salées servant de vecteur à l’alternance des récits.

Catherine se reconnait bien « dans cette ville où le ciel s’enrhume à l’envi ». Quand elle parle de Brighton, comme d’une escale, elle parle aussi de ses propres étapes « ouatées de brumes ».

Tout s’entremêle alors que, cependant, les courts textes sont physiquement séparés de titres distincts.

Les intrigues se jouent parfois inversement par rapport à l’a priori suscité par quelques mots premiers alors que c’est la chute qui fait, dans ce cas, la nouvelle. Car, en effet, « nouvelle » (en tant que genre littéraire), il y a parfois. Comme il y a aussi récit ou évocations de souvenirs qu’on devine très personnels.

Entre transport à l’intérieur de soi et à se mouvoir à la frontière des côtes, il y a « cabotage », ce mot qui résonne comme un clapotis, un mouvement d’eau ou une matière organique qui, telle une méduse sur le sable, attendrait la marée montante, l’évènement qui, in fine, corrige le destin.

Quand « Victoria Station » fait office de plaque tournante, la narratrice elle-même donne l’impression d’être en quête d’aiguillages.

Dans son texte, subtilement divisé, Catherine progresse en mettant en parallèle les mots et la vie, l’imaginaire et le vrai ressenti, ce qui rend l’ensemble intérieurement « autobiographique » en partie, même quand son personnage est masculinisé.

Dans « les ports oubliés de la (ma) mémoire », le balayage du phare marin fait office d’écriture quand, en amour aussi, la mer se mêle de tout et quelque part profite des adieux récupérant pour elle ses personnages.

De port réel en port d’âme, l’aquarelle accompagne la narratrice, en révèle silences blancs, couleurs très marines et mouvements de pinceaux rythmés, eux aussi, sur le pouls des marées :

« L’océan restera mon confident, les vagues du temps passé se rappelleront à moi. Flux et reflux, inlassablement, je retremperai mon pinceau dans le petit récipient et je peindrai la mer ».

Point de vraie solitude car le récit peut aussi se faire partage à affronter les éléments ensemble et à sortir victorieux de la destinée, « Cabotage » rimant avec voyage plutôt qu’avec naufrage.

Les récits sont documentés historiquement et précisés géographiquement dans une « non-réalité augmentée » avec brio à l’appui d’une imagination précise et maîtrisée.

 

 

Patrick Devaux