delbecqCéline Delbecq, Vikim, Carnières, Lansman, 2013, coll. Contes, nouvelles, récits, témoignages,

64 p.

Délaissant pour une fois l’écriture théâtrale, Céline Delbecq décrit une relation attachante de la mort d’une de ses collaboratrices et amie, atteinte d’une tumeur au cerveau. Ce n’est pas à proprement parler un journal intime mais des notes, des réflexions, des émotions suspendues au fil de la progression de la maladie pour exprimer le plus profond des sentiments éprouvés. C’est le partage d’une période qui a transformé la vision du monde de la narratrice.

À l’origine, ces notations n’étaient pas destinées à la publication. Mais il a finalement été décidé de les rendre publiques en témoignage d’amitié, en interrogation à propos de la souffrance et de la mort. Elles ont servi à la création d’un spectacle, Abîme, plus corporel que verbal[1].

Passent tous les problèmes et questions qui se posent à n’importe qui lorsqu’on est confronté à la fin de vie d’un être aimé. Comment concilier sa vie professionnelle exigeante et une présence auprès de la personne qui s’en va ? Comment aider celui ou celle qui demande, espère tout en sachant au fond que la fin est inéluctable ? De quelle manière parler, répondre, agir au mieux du soulagement physique et moral de l’autre ? De quelle façon continuer à (sur)vivre aux moments où on voit que les symptômes de la maladie s’aggravent et alors qu’on se sent impuissant ?

Et les actes : ne pas trop pleurer devant l’agonisante, ne pas aller au-delà du possible pour l’aider alors que le corps n’est plus capable de réagir seul, saisir quelles sont les urgences et les choses secondaires, aller au-delà de la solitude qui envahit, ne pas se leurrer ni se culpabiliser alors que « les paroles et la pensée se contredisent elles-mêmes », ne pas craindre de s’effondrer en public plutôt que de retenir son chagrin…

Céline Delbecq se livre, sans tabou, sans pathos littéraire, avec vérité, y compris ses failles intimes. C’est cela bien entendu qui émeut, qui ramène à l’universel des deuils. Un moment cadeau d’humanité. Quant au titre, c’est un mot valise composé à partir de ‘viking’ surnom donné à l’amie et de ‘Kim’, texte qu’elle était en train d’essayer d’écrire à cette période-là. On y verra aussi, sans doute, une référence sonore au vocable ‘victime’.

Michel Voiturier

 

 

 

[1] Cfr http://www.ruedutheatre.eu/article/2396/abime/