Christian Libens,  Sève de femmes, nouvelles, Weyrich, 2020.

Une nouvelle version de « Amours crues », publié chez Luc Pire en 2009 ? Si l’on retrouve des pages connues, des sujets déjà traités, ce nouveau recueil de nouvelles va plus loin encore dans l’exploration ou l’exploitation de la jouissance sexuelle. L’auteur, utilisant la bonne vieille méthode du récit oral entre amis, cher à Maupassant, nous livre quelques histoires hautes en couleurs, saveurs et profondeurs (si l’on ose dire…) tournant chacune autour d’un personnage féminin dont le charme lui aura paru irrésistible. Pourquoi dès lors lui résister ? Libens, le premier, ne résiste pas à la libido obsédante de sa plume qui voyagera comme une abeille de printemps d’un calice délicieux à l’autre.  On n’est pas loin de Boccace et de son fameux Décaméron, la référence par excellence de tout narrateur licencieux qui se respecte sans respecter toujours la décence… L’auteur, ayant en réserve précieuse des Lettres variées et ciblées, nous rappelle les élégantes ou savantes formules de Michelet, Curvers ou même de Barthes pour nous assurer que le sexe peut enflammer les esprits les plus pointus comme les cœurs les plus simples et les plus ardents. Rien à censurer donc puisque la littérature est, dit-on, hors d’atteinte au nom de la sacrosainte liberté d’expression. Principe qui permettra à l’écrivain d’introduire dans son livre le témoignage épouvantable d’une femme rwandaise, victime de sévices d’une cruauté bestiale commis à l’époque du génocide. Nous avions déjà relevé cette incongruité dans notre recension du numéro 20 (mai 2009), nous interrogeant sur la juxtaposition de textes joyeusement érotiques et d’un récit de viol et de torture sur une véritable martyre tutsie. La réponse, nous le supposons, doit se trouver dans la mise en confrontation de deux réalités absolument  opposées : le plaisir partagé de la chair, l’amour total et sans entraves entre deux personnes, et, sur l’autre versant de la nature humaine, la sauvagerie, le machisme écœurant, la violence primitive, le racisme abject qui subsistent dans l’hypothalamus de certains. Il n’empêche ! Une fois ce chapitre lu, il sera difficile pour l’amateur de coquineries de goûter encore, de la même manière complice, au savoir écrire et raconter de l’auteur.

                                                                           Michel Ducobu