Christiane Levêque, Ostende

SI ON PARTAIT A LA MER…DEUX INVITES D’AUTEURS BELGES —————————————————————————————— par Ph. Leuckx

La côte, la mer, Ostende, les balades donnent des ailes et des velléités de traces. Au-delà des constats et observations, la plume peut de ces villégiatures garder quelques albums, quelques chromos, quelque nostalgie aussi des moments passés et beaux dans le souvenir.

  1. Un petit livre de croquis et d’annotations Christiane Levêque propose un deuxième carnet chez Jean-Louis Massot, à l’enseigne des « Carnets du dessert de lune » : « Ostende », dans une belle présentation, presque carrée, illustrée, 2015, 70 pages, 10€. Garène, illustratrice, soigne des vignettes suggérant, en noir et blanc, en grisé plutôt, de beaux blasons de mer, avec ses stries de pluie et ses gros nuages pleureurs. Pascal Blondiau, qui devrait se remettre à la plume, concède, ici, deux belles pages apéritives, justes et soignées pour appâter le chaland en mal de gaufres et de sable dans les yeux. Délicate préface. Et bien écrite. « Ostende », donc, se propose de traiter de manière ethnographique nos usages de plages, en petits tableautins. Ce ne sont pas des poèmes, mais des annotations parfois incisives, parfois légèrement voyeuristes, pleines de « regard » (usage lexical élevé), pleines de condescendance (ce côté altier voire hautain), aptes à saisir les défauts de cuirasse, le petit « garçon » à sa vieille mère, les habits outranciers, au fond avec peu de tendresse (un regard plus à la Schraûwen qu’à la Ernaux, et n’est pas Annie qui veut, blessée, tendre, chagrine et humaine), beaucoup de férocités happées dans l’air de digue. Je préfère de loin quand la narratrice se laisse aller, sans se « regarder » écrire, quand elle chante « l’accent chantant du pays de Liège », quand « elle cause de tout, de rien », quand elle oublie Giono et son vent qui montre le chemin, quand échappent à la rogne les notations plus favorables aux étrangers qu’aux bourgeois belges : « La demoiselle du vestiaire est d’origine cambodgienne…l’Asie passe par les manches ». En fait, ce que je n’aime pas dans ces « clichés » (au-delà de quelques chromos faciles « pas dans le sable » et autres « émail blanc des dents »), c’est leur ton de paparazzi cisaillant le réel à coups de ponctions dans la vie des autres (bouts de phrases acides coupés artificiellement et pour la mauvaise cause morale dans les conversations)…Et l’humanité, et l’aménité là-dedans? C. Levêque est par ailleurs professeur de pédagogie.
  2. Un vrai livre de poèmes signé Michel Van den Bogaerde. « Métaphormes  » (Le Coudrier, 2014, 80p., 16€). Photos de Joëlle Aubevert. Un premier livre de poèmes édité. L’auteur, par ailleurs peintre et graveur, grand amateur de musique, a publié trois livres, des récits à L’Encre du temps et aux Murmures des soirs. Le voici donc, à 65 ans, attelé à l’exercice difficile de la poésie. Le voici amené à évoquer les vacances, les bords de mer, ce que la mer lui donne comme moments et forces de vie, le voici enjoint à parler de soi et des métamorphoses de sa vie et de ses lieux d’enfance, au gré des changements (d’où le titre). Poèmes libres, poèmes versifiés classiques, petits récits poétiques : l’auteur alterne les formes pour signer des thèmes classiques : le passage du temps, l’effritement dû à l’âge, la nostalgie qui pointe, la mélancolie attribuée à certains lieux. Mais il y a, ici, un véritable travail poétique des images, un vrai creusement des lieux par un regard qui nettoie les clichés pour proposer la fraîcheur du perçu : *un marais vient au monde *les colères de l’eau/ se gravent sourdement *le vent se sèvre/ aux clochers des villages *le vent suce l’aile des mouettes *les toitures écroulées laissaient couler le ciel *dans un coin sombre/ la peur de devenir … Le meilleur du livre, nous le devons à cette description lucide, avouée, de la déperdition dont nous sommes à la fois les sujets et l’objet. « Les remous fébriles de la matière » disent assez les tremblements de l’être, une fois un certain âge passé. Je suis plus réticent aux formes imposées par la rime, quoiqu’il y ait, ici, un réel travail dans la scansion des sonnets et l’élaboration des belles images. La rime convenue, oui, sans doute. Mais faible réticence devant la belle « consolation » que ces poèmes apportent au lecteur avide de senteur « rêche », de « texture glabre », de « transparence d’autres vents ». PL

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