Christophe Gilot Quatrains de bouquiniste éditions Cactus Inébranlable (2023,10 euros)
Bouquiniste à Liège, l’auteur a eu l’imagination fertile à composer des quatrains de son crû dans une formule particulièrement originale, les créant avec des titres de livres. Intrigante déjà en soi, la démarche à de quoi faire réfléchir les synapses des plus inventifs tandis que s’activent les géniaux recoupements :
« Les vagues peuvent mourir
la compagnie des eaux
dans le ciel
certainement pas
Charles Paron/ Jacques Perret/
Octave Mirbeau/Chloé Delaume » , le quatrain étant annoncé avec chaque fois, en dessous le nom des auteurs ayant inspiré le vers concerné. Sans en avoir l’air, Christophe Gilot réveille ainsi indirectement l’un ou l’autre auteur concerné donnant peut-être l’envie de s’y pencher davantage. Qui sait encore que, par exemple, Charles Paron, l’auteur du livre « Les vagues peuvent mourir » a eu le prix Rossel en 1968 ?
En dehors de rappeler des titres en quatre lignes, l’auteur tente le mieux possible de donner un sens à la reprise et parfois avec un certain brio comme :
« Eloge de la caresse
Ce que sait la main
à fleur de peau
par-delà les frontières du corps »
rappelant ici François Solesmes, Richard Sennett, Joseph Hansen/ Silvia Federici.
La vie, la mort et les enjeux de l’être s’accomplissent ici de façon plus qu’étonnante :
« Mémoires d’outre-tombe
Autant qu’il m’en souvienne
l’herbe ne pousse pas sur les mots
la mélancolie et la poésie victorienne » rappelant alors, bien sûr, François-René de Chateaubriand, Florence Regnard, Anne Walter et Simone Lavabre.
Gros travail d’ensemble où tout est dit « autrement » par des auteurs qui ne l’avaient en aucun cas prévu, Christophe Gilot citant en exergue Jean Paulhan : « Tout a été dit, sans doute. Si les mots n’avaient changé de sens ; et les sens, de mots ».
Patrick Devaux