Michel Westrade, Clair de pierre  – Illustrations de Jean-François Van Haelmeersch,  photos de Nathalie Amand.

Pour cette fois, Michel Westrade nous invite à un fantastique qui relève de la féérie plutôt que de l’épouvante. Quoique, sait-on jamais…mais la conclusion est résolument positive.

Le récit est fortement marqué par l’amour de la nature, comme il se doit au pays des fées. Cela nous vaut quelques tableautins fort réussis ; dès le départ l’atmosphère est créée : Je suis née de très lointaines forêts, des terres rouges ouvertes au vouloir des racines de châtaigniers, abandonnée nue par les eaux, dans un pays où celles-ci se perdent dans des gouffres. Et ce n’est pas un pays de nulle part, il est très précisément situé, dans le Poitou. Il est vrai que Mélusine a beaucoup  voyagé, on la retrouve aussi en Alsace, en Lorraine, en Ardennes, en Allemagne même, et à Montélier, dans la Drôme, où elle était liée à la famille de Sassenage. Quand elle apparaissait, cela signifiait la mort prochaine de quelqu’un de la famille. Mais nous ne sommes pas ici pour faire la généalogie des fées. Ce sera peut-être le sujet d’une autre histoire.

Celle-ci se découle sans heurts, au fil des eaux, dans la musique des mots et des feuillages. Et pourtant, écoutons-là donc : Qui peut penser qu’étant pierre, je suis vivante, comme la fougère qui ondule, comme le vent qui murmure ou rugit, comme le feu qui dévore ou réchauffe. Oui, décidément, les fées  sont de drôles de corps. Rappelez-vous : les soupirs de la sainte et les cris de la fée. Il y aura donc toujours, et en tous lieux ces enchantements qui nous poursuivent ? Oui, bien sûr, et si nous voulions jouer au pédant, nous rappellerions que fée vient de fata, le destin, les sorts, du verbe fari, dire…

Mais vous, votre destinée, c’est bien à présent de jouer le jeu, de vous laisser couler au fil de l’eau, au gré des rives, quitte à échouer dans un marais. Non, décidément, je ne vous raconterai pas l’histoire. Une histoire de pierres et de châteaux, bien sûr ; une histoire de vives eaux, toute bruissante de fleurs et d’oiseaux, qui entourent Mélusine si bien que l’on dirait une autre Ophélie. Il y a même des mauvaises langues qui prétendent qu’elle finit en queue de poisson. Mais il ne faut pas les écouter.

Les illustrations de Jean-François Van Haelmeersch, les photos de Nathalie Amand se marient fort bien avec le texte, et en accentuent l’étrangeté.

Joseph Bodson