Claude Luezior Sur les franges de l’essentiel suivi de Ecritures poésies éditions Traversées (2022, 127 pages, 25 euros)

Alternant poésie et réflexions, l’écriture est calibrée entre parois pariétales et courts messages suscitant l’idée d’un côté tragiquement éphémère de nos préoccupations actuelles, la trace se révélant, elle, moyen pour communiquer : « je t’ouvrirai/dans les reflets/d’un ressac/ tel un coquillage sacré/ où luit la nacre/ de tous les désirs », l’émotion humaine (amoureuse) transparaissant quel que soit le clivage.
Le bonheur souche frôle-t-il les Ecritures qu’il n’en est pas moins diversifié, l’Humanité témoignant d’étonnantes diversités sachant toutefois que de la sorcellerie aux religions il n’y a parfois qu’un soupçon de croyance quand « l’oracle dénoue le désert et ses légendes ».
Le souci de la société n’est pas en reste : « On me rabat les oreilles avec les robots et l’intelligence artificielle. A quand de vraies oreilles pour entendre le cri des affamés ? »
Parler d’un retable comme d’une présence n’est pas donné à tout le monde. L’Art se veut présence vivante, presque scénique à révéler l’Etre.
Si l’univers reste « sans véritable diagnostic », le poète peut faire le sien avec les constats requis.
Touché par la grâce de l’écriture, l’auteur sait qu’« écrire n’est pas chose commune » car « Faire du miel n’est en rien facilité ».
Les franges sont peignées dans le sens de l’essentiel et la trame en est soignée avec la prise de conscience de l’Art utile ayant notamment servi les causes de la Renaissance chère, semble-t-il, à l’auteur tandis qu’il se sent héritier de certaines incandescences, établissant ici sa propre fresque encore fraîche pour se situer, peut-être, entre « cent mille peintres en quête de reconnaissance ».
Le poète- philosophe se pose les questions en dehors de toute sentence et est surtout à l’écoute ou à observer autour de lui les « herbages anonymes » qui constituent son acte de foi, l’Art étant révélé par lui-même plutôt que par une quelconque notoriété identifiée.

Patrick Devaux