Colette Nys-Mazre,  Lettre d’Atonie, Jacques Brémond, Les Petites Lettres, 2020, 64 p.

-Pour pouvoir revenir à la « lecture gourmande » des autres, la poète a dû relater avec une précision d’entomologiste son parcours hospitalier, et écrire sa poésie d’un pays qui s’appelle « Apathie » ou « Atonie ».

L’anaphore (je vous écris ), les épigraphes (Michaux, Reverdy, Chedid, Sulivan etc.) assurent à ce texte d’être l’expression d’un mal être physique dont l’écriture peut purger la douleur, et comme les phrases de Michaux et Reverdy le clament : rien ne peut faire fléchir l’amour et toutefois l’injonction michaucienne oriente : « Garde intacte ta faiblesse ».

Colette, donc, sur ces précieuses bases, nous écrit du domaine de la douleur, du territoire de l’effroi, tissé d’insomnie, de peur, de crainte, « de la première nuit livrée aux gardes sourcilleuses qui se relaient, contrôlent drain et perfusion. Je vous écris, dit-elle encore, sous la lumière péremptoire osant interrompre la léthargie bienheureuse ».

L’hôpital, lieu des « souffrances, de la patience des soignants, de l’impatience d’une guérison ».

Tout est mêlé, tout est tissu de sensations vives, crues, étranges : « je vous écris avant de perdre pied » : le journal ici a fonction de dire l’avant, l’après, « sans entendre scie, marteau et propos médicaux ».

« Je vous écris de la sève qui s’annonce par accents minuscules »

« Je vous écris avec le sentiment de ne pas exister » suit des bavardages » dont la patiente-poète a été exclue.

Tenir: grâce aux « proches au chevet », en dépit des « négligences », et des manques.

Le livret bibliophilique de 7cm sur 12cm, avec couverture en papier maison, orné d’un idéogramme, et achevé « d’imprimer sur des pauvres papiers de fruits grisés » est le dix-septième d’une collection (Les Petites Lettres…à…de) qui a publié entre autres beaux noms, Lionel Bourg, Robert Piccamiglio, Brigitte Gyr, Jacques Morin, Roland Nadaus.

Philippe Leuckx.