jadis vivait iciCorinne Hoex, Jadis vivait ici, poèmes, l’Age d’homme, La Petite Belgique, 95 pp, 14 €, 2015.

Etrange livre, que celui-ci, et fort différent des recueils de poèmes auxquels Corinne Hoex nous avait habitués, même si, sans défaut, on y reconnaît sa griffe. Tout pétri de légendes, de folklore, qui ne vont pas sans une certaine cruauté, une certaine frayeur. N’oublions pas que Corinne Hoex avait fait un mémoire sur les arbres à clous. Ces arbres où l’on accrochait des linges, des ex-voto, à des clous, pour obtenir la guérison. Ils sont vieux comme le monde, et il en reste encore.

Serait-elle devenue plus explicite? Elle s’aventure au jardin  des mauvaises herbes, en un Moyen-Age encore tout hérissé de herses et de mâchicoulis. Elle traite sans trop de respect les vieux os des saints de ce temps, jonglant avec les reliques impitoyablement recyclées. Tout un saint-frusquin d’attirail de pèlerin – même peut-être la foi (p.21)

Toute cette dévotion est parfaite, mais elle reste à l’imparfait ou au passé décomposé (p.24). Un assortiment de plantes dangereuses à l’ouïe déjà et de décor baroque. Echec cuisant en fin de partie, à chaque coup l’on perd. Un mélange de cruauté et de piété, comme on le trouvait parfois en Espagne, autrefois. Un goût des énumérations, qui nous ramène aux Miroirs du Moyen-Age, bêtes et plantes, toute la création est convoquée. Elle jette ces noms par poignées, comme du pain pour les carpes: noms de plantes vénéneuses, noms de bêtes malfaisantes et malheureuses. Cela finit par ressembler à un tableau de Jérôme Bosch, grouillant de gargouilles et de chimères, ou à l’un de ces portraits d’Arcimboldo, à ces trognes rutilantes de mille créatures assemblées.

Métaphore de la chasse, mise en parallèle avec l’échec des illusions. Le chasseur est toujours maudit, et c’est la mesnie Hellequin qui passe dans le ciel Et puis, la noblesse, les armées. Et toujours cet imparfait.

Que penses-tu combattre?

Et qui crois-tu défendre?

nous dit-elle, p.69 Et puis, p.83

Tu ne redoutes aucune morsure

Grand initié aux charmes.

et,p.85: Tristan est mort avec la reine, et, p.86: Tu ne vaincras pas les épines, et enfin, dans la 7e partie, le leitmotiv change:Ça reviendra. Mais la fin est tout aussi noire

Tout ici est dans le ton, un ton d’incantation, de malédiction, doué d’une force extrême, de par la répétition et la gravité du propos, plutôt que dans l’enchevêtrement pittoresque des termes rares. Tout nous ramène ici au Moyen-Age, à son anxiété, à sa  cruauté. Comme si cet être multiforme qu’elle tutoie, il fallait l’écraser, l’humilier, le mettre plus bas que terre. Etrange relation d’amour-haine, incessant combat et lutte incertaine.

Joseph Bodson