Danielle Gerard, Le Paysage traverse le Corps, Editions les Poètes français, 2015

Le thème abordé par Danielle Gerard est le voyage. En exergue du recueil, une citation de Chateaubriand : Je visitais d’abord les peuples qui ne sont plus : je m’en allai, m’asseyant sur les débris de Rome et de la Grèce, … Cette citation a visiblement inspiré la poétesse.

Mais de quel voyage s’agit-il ? De pédestre et physique au départ, il débouche bien vite dans la sphère intérieure, celle de l’âme qui vibre sous les images accumulées dans les souvenirs : Quitter une ville ou un sentier met à nu nos défaillances (page 21). C’est dire combien le voyage nous met face à nous-mêmes. Il nous oblige à nous défaire de nos oripeaux, à affronter l’imprévisible, Un atome de solitude en main et dans le cœur.

Qu’espère donc la poétesse ? Quelle réponse le voyage apportera-t-il aux amas d’énigmes de pierres éboulées ? Hélas ! Aucune réponse précise à cette énigme absolue qui taraude le voyageur : Cependant je ne sais toujours rien de moi. La poétesse traverse des ruines, des plages désertes, une terre foulée par des générations d’êtres en quête d’une vérité inaccessible. Le voyage n’est-il pas dès lors le prélude au dernier voyage ? C’est que je suis déjà en route vers une autre traversée.

La Méditerranée, ses îles et ses pays limitrophes semblent cristalliser ses émotions. Parfois, tel Ulysse à la recherche de Calypso, elle s’adresse à un être encore inconnu : Tu cueilleras l’incendie de mon cœur. Le temps est aboli lorsqu’elle s’écrie : Que je sois ! Que mon corps accueille l’univers !

Pour Danielle Gerard, le voyage a quelque chose de bouleversant. Dans ce recueil se dessine en filigrane une Poétique du voyage, selon l’expression de Michel Onfray : Partir, emboîter le pas des bergers, c’est expérimenter un genre de panthéisme extrêmement païen, retrouver la trace des dieux anciens et rompre les amarres avec les entraves. Telle est la démarche de l’auteur.

Saluons la beauté, la force des images. La poésie de Danielle Gerard se déroule comme un écheveau, elle soulève le lecteur, tantôt sous l’effet d’un vent léger, tantôt emporté au cœur d’une bourrasque. On songe au vers de Marcel Thiry : Toi qui pâlis au nom de Vancouver, tu n’as pourtant fait qu’un banal voyage. Pourquoi ces vers sont-ils si prenants ? Nul ne peut le dire. Il en est de même de la poésie de Danielle Gerard.

Jacques Goyens