Denis ANTOINE, Les oubliés de la Grande Guerre, Weyrich, 2014.

 

On passe ici du général au particulier, de la carte de l’Europe en 1866 (SADOWA) au 28 juin 1914 (assassinat de François-Ferdinand). Et avant d’aborder la chair du récit : les plans des Etats-Majors français et allemand (pour ce dernier, ce qu’on nomme trop souvent « plan SCHLIEFEN », en réalité revu par VON MOLTKE, ce qui va changer bien des choses).

 

Venons en au fait : il y va ici des combats menés le 22 août 1914 sur le territoire de Luchy (Ardennes belges) entre les11° et 20° régiments d’infanterie de Montauban et Marmande et la 21° division d’infanterie allemande. De cette journée du 22 août, tout – ou presque – nous est révélé par les témoignages des militaires français et allemands et des civils belges. On se félicite d’ici découvrir que le propos de l’historien, neutre et froid, se combine avec le vécu des protagonistes. On nous dévoile l’incompétence d’officiers français, ce, au regard de considérations stratégiques, et, par ailleurs, l’auteur ne nous cache rien de l’atrocité des combats entre hommes s’entre-tuant comme des loups, des hommes qui « finissent leur vie sur un sol qu’ils foulent pour la première fois ». On nous dévoile le vécu de la bataille : combats à l’arme blanche, corps troués par la mitraille….. Les pertes françaises au 23 août : du 11° R.I. ne restent que 524 hommes sur 55 officiers et 3.300 hommes ; au 20° R.I. manquent 1350 hommes de troupe et 26 officiers. Et on n’en est qu’au début.

 

Denis ANTOINE ne nous épargne rien : le martyre des chevaux (et l’on pense aux considérations de Georges BLOND dans « La grande armée »), les pillards ou charognards (ainsi, celui qui «cherchait les dents en or sur les cadavres allemands »), les civils victimes de représailles, les blessés, enfin l’horreur à travers l’épopée du sous-lieutenant Victor DUCLEON.

Beaucoup de livres paraissent sur le premier conflit mondial. Mais Denis ANTOINE ne nous donne pas à lire un roman, ni une froide étude historique. C’est qu’on est ici dans le vécu de ces hommes de troupe– quelle que soit leur nationalité et l’on saura gré à l’auteur de nous avoir évité tout propos haineux -, ces hommes qui, manifestement n’avaient pas voulu ça…..

 

                                                                                              Michel WESTRADE