Domi Bergougnoux A tout ce qui lacère poèmes éditions Le Coudrier illustrations de Renaud Allirand. Préface de Jean-Michel Aubevert (2022, 73 pages, 18 euros)

L’indicible semble pris à contre-courant dans cette poésie qui se veut « voyage ébloui vers la nuit». La poésie traverse les corps, bouscule le chaos de l’ombre. Que faire d’une douleur sinon la larguer en bris de lumière ? Les mots tanguent, la nuit, sur le lit considéré comme le « radeau de la méduse » laissant flotter les heures échouées, la lumière se faisant d’autant plus aveuglante. On est dans un songe à vouloir se saisir d’une sorte de désespoir à « enterrer incognito parmi les jonquilles ». Si le printemps semble en cage c’est avec, en observation, un sourire béant tandis que larmes et pétales procèdent d’un même cheminement. L’échappatoire se veut ailes et ciel pour ce « cœur de mère lesté de pierres » avec anges parfois « abîmés » mais très présents. Le corps éponge, se veut réceptacle d’une poésie prête pour tout « ce qui lacère la chair de la nuit ».

Les illustrations de Renaud Allirand sont très puissantes à révéler la trace des écorchures et ce qu’elles cachent en profondeur quand l’auteur partage une douleur carcérale qu’elle universalise dans l’anonymat.
Jusqu’où va l’Amour quand on parle de « quelqu’un absent à lui-même » ? On touche aux limites de la communication possible quand feuilles et pensées transforment la boue en soleil.
On retiendra du recueil cette force tranquille à vouloir pérenniser « les damnés sortant (sortent) du cimetière d’étoiles ». La poésie reste belle. La poésie témoigne et sauve : « Je te tirerai par les branches vers la lumière où tout refleurit ». Comment ne pas admirer une telle conviction ?

Patrick Devaux