D’un univers à l’autre de Pascale Lora Schyns anticipation poétique éditions L’Harmattan
Illustration de couverture de Salvatore Gucciardo (2021, 19, 50 euros).
Pascale Lora Schyns pose ici la question de savoir si d’un rien un tout est/était possible : « Quelque chose qui était rien. Quelque chose qui était tout. Il fallait pourtant décider de ce qui allait se passer ».
Oui, mais qui ou Qui a pris la décision, comment et pour que faire ?
Plusieurs pistes sont envisagées et on entre, avec l’auteure, de plein pied dans des idées d’Absolu où le Hasard n’est pas dupe de l’imprévisible quand chaque forme de Vie semble émaner d’un élan vers une finalité méconnue mais peut-être est-ce seulement cet « être unique multiplié à l’infini ». En lisant on peut songer à l’Univers qui, tel un tricot, s’use à un endroit pour être rapiécé à un autre.
L’Univers, personnage principal, semble réagir à ce qu’on lui fait, l’auteur prenant l’insecte, animal fragile s’il en est, à partie pour bousculer l’ordre des choses et pousser l’Univers à réagir.
Fiction ? Pas sûr si on songe que tout est dans tout.
L’approche, façon Maeterlinck, situe bien les idées et en conçoit une trame originale et étonnante.
Une infinie patience habite la lutte à être à partir de quelque chose d’inconnu : « La patience était la clef de tout. Dès le début et jusqu’à la fin des temps. Si fin des temps il y avait ».
Mais quelle sera donc la voie de la vie : « la tête dans les étoiles ou les pieds sur terre » ?
L’auteur rappelle, régulièrement, que tout était écrit, mettant cependant en doute régulièrement la stabilité de l’évolution.
L’anticipation poétique (parfois déjà un résultat en fait) pose davantage de questions qu’elle ne donne de réponses, ce qui n’étonnera personne vu le sujet pris en compte.
La science est vulgarisée avec une certaine sublimation, le premier « Dieu » à apparaître semblant sans véritable esprit de croyance mais plutôt avec une orchestration réglant le « tout ou rien » selon le point de vue.
L’esprit de « civilisation » se fera jour « avec les mythes régnant sans partage ».
Eclosions répétées sans doute, donc. Vers quelque chose ou depuis quelque chose.
L’auteure resitue alors ensuite l’histoire de l’Homme de façon racontée et poétique activant l’évolution avec de « futurs Sublimateurs » qui, peut-être, auraient tout préconçu ; « Les Sublimateurs n’en finissaient plus de préparer le monde parfait qu’ils avaient commencé plusieurs milliards d’années auparavant ».
Entre fiction et réalité on devine quelque intention subliminale qui échappe à l’entendement.
Reprenant son souffle, Pascale Lora parsème son récit de philosophie ralentissant ainsi quelque peu cette sorte d’évolution précipitée bien représentée : « Tout passe mais rien ne s’arrête ».
Sans surprise il y a des messages de préservation de tous ces efforts : « Les dieux se riraient des bêtises des hommes qui se seraient battus en leur nom alors qu’eux, spectateurs amusés, se moquaient de ces gladiateurs aveuglés par l’ambition du toujours plus. Pour, au bout du compte, ne plus rien avoir. Ne pas être capable de rendre vivable leur planète alors qu’ils avaient presque terminé tous les plans pour le faire sur d’autres ».
Un ton peut-être plus politique avertit : « Ils (les Sublimateurs) voulurent prendre le pouvoir, dominer tout ce qui existait et donner à chaque chose son âme, c’est-à-dire la leur. Les Sublimateurs créèrent ce qu’ils pensèrent être une race nouvelle, un monde nouveau. Ils crurent que tout leur était dû ». Tout un programme…
Dans ce gros travail de fiction on aura compris que se cachent bien des messages et quelques avertissements.
Lecture pour tous avec y compris les enfants si on « raconte » le livre qui, par certains aspects, peut aussi prendre un ton très oral.
Le livre est présenté sous une illustration particulièrement réussie du peintre Salvatore Gucciardo qui a le sens du futur qui convient au sujet.
Patrick Devaux