Evelyne Wilwerth, La Nacelle turquoise, Editions M.E.O, 2016

Trois nouvelles composent le recueil. Six personnages l’habitent. Six personnages en quête de hauteur, de transcendance, de renaissance. Yanaël, Angelika, Phil, Fred, Eglantine et Bérangère. Les prénoms ne sont pas choisis au hasard, ils ont chacun un accent particulier, un genre qui fait qu’ils vont finir par s’associer et se reconnaître. Se trouver bien plus que des affinités, une corde dure et forte que l’on tire violemment de son côté pour gagner la partie, la gagner à deux et faire pencher le destin, être avec quelqu’un, dans le même camp, ensemble enfin. Conçu en une succession de monologues croisés avec didascalies comme au théâtre car ici on se parle tout le temps, par jets vifs, inquiets, entrecoupés de silences, de questions qui ont du mal à être posées, le recueil de nouvelles d’Evelyne Wilwerth cherche le nœud, le moment où les cœurs vont lâcher et se libérer, loin de la routine, du refoulement, du vide. Mais l’ouverture est brève et éphémère, l’épicentre est mouvant comme tout ce qui vit et change, le noyau à atteindre est peut-être un éclair invisible dans le ciel, une nacelle verte qui hésite entre les arbres et les oiseaux de passage, entre le nid et le voyage… Taillant de petites phrases comme des planches de bouleau en y perçant des trous de suspension où se faufilent les mots de manque et de désir, l’auteur nous tient en haleine jusqu’au bout des ces histoires volantes et vagabondes. Il faudrait les lire à voix haute en jouant tous les rôles pour mieux sentir peut-être que notre voix chancelle ou prend de l’assurance selon les jours, les heures, les ombres des gens qui passent sous nos fenêtres et à qui l’on aimerait faire signe… Tout bouge, tout coule, comme le fleuve du philosophe Héraclite qui traverse la vie et le paysage d’Eglantine et de Bérangère. Tout tourne aussi comme cette Grande Roue des villes en fête où sont montés Phil et Fred.  Et si elle s’arrêtait, ne fût-ce qu’un instant, pour nous permettre de faire le point et de nous exercer à vivre les choses d’un peu plus haut, en pleine lumière ?…

                                                        Michel  Ducobu