Francesco Pittau, Les Hamsters de l’agacement, Cactus Inébranlables éditions 2016, 92 pages, 9 euros

 

Francesco Pittau (finaliste Rossel 2015 pour Tête Dure ) sait manier la plume.  Il nous livre ici une rafale de propos, entre aphorismes et mini-récits, acides, désabusés, pleins de dérision, souvent très drôles. On voit bien que l’auteur a en particulier horreur de la bêtise humaine!

Chacun peut choisir son fil rouge et le suivre en zigzag au courant des 92 pages serrées du recueil, entre :

Jeux de mots qui ont toujours quelque chose de plus qu’un jeu de mots

Pour une lumière, on lui demandait souvent de la mettre en veilleuse

l’absurde qui est en même temps l’évidence

Il faut combler les fleuves, les ponts seraient moins dangereux

les problèmes de société voire la philo :

Ce n’est pas parce que certains n’ont rien que ceux qui n’ont pas grand-chose ne peuvent pas se plaindre(…) Quand tu ne comprends rien à rien, c’est que tu touches enfin à la vérité de quelque chose

sans oublier quelques pincées de cynisme

Tous ces gens indispensables dont on ne savait même pas qu’ils étaient encore vivants

 

Et l’on ne peut dire qu’il soit très tendre avec ses congénères écrivains, surtout avec ceux qui « se croient » poètes ou écrivains… :

Il remplissait son vide intérieur par de grands mots creux (…)

Encore un qui croit faire Œuvre en nous en nous bassinant avec ses névroses (…)

Il y a des poètes comme vache qui pisse

Mais le recueil révèle l’autre talent de l’auteur. Entre aphorismes un peu grinçants, c’est de la pure poésie qui affleure, des moments que seul un vrai poète peut écrire…

Au matin, il avait ramassé à la petite cuillère tous les bouts de rêves éparpillés sur le tapis de sa chambre, et il les réserva dans une boîte en fer, en attendant de pouvoir les vivre la nuit prochaine

Son « petit pan de mur jaune » à lui était une route bordée de tournesols accablés par le gel, et un éclat de lumière hivernale sur des briques roses – éclat qui lui avait donné pendant une seconde une impression d’éternité

Un rayon de lune s’était posé sur son épaule et, de sa petite bouche pointue, il lui murmurait de temps en temps des secrets si secrets qu’il les oubliait aussitôt

Bref, un recueil de haute voltige à mettre (ou non) entre toutes les mains et à déguster.

Martine Rouhart