Francis Groff, Vade retro, Félicien!, roman, Weyrich, Noir Corbeau, 2019

Décidément, Francis Groff a de la suite dans les idées. Après  Morts sur la Sambre, qui n’était pas dépourvu de couleur locale (on se souviendra longtemps encore de cette statue tachée de sang), il persiste et signe, arrivé au confluent,avec un clin d’oeil aux amateurs de peinture. Son héros, lui, n’a pas changé: Stanislas Barberian, détective amateur, semble poursuivi par un destin malin qui le précipite, sans qu’il l’ait voulu, au centre d’une sorte de cyclone – l’oeil, bien sûr – où le meurtre  prend les figures les plus aberrantes. Et nous voilà à sa suite entraînés de l’ambiance feutrée d’une boutique de bouquiniste habituellement réservée aux joies paisibles des bons vieux livres et des vins itou, en pleine horreur. Ah! Le calme illusoire des paysages tranquilles! – et ce n’est pas tout – un passage souterrain vous mène su cabinet réservé d’un ancien professeur, fou de Rops autant qu’on peut l’être (non, pas de Daniel, de Félicien. Je doute fort d’ailleurs que Daniel puisse  provoquer de semblables passions), jusqu’au choeur vert et rose de l’église Saint Loup, d’un baroque frisant le rococo, qui fit tomber Baudelaire en pâmoison. Cette fois, c’est bien pire…Je ne vous décrirai pas l’état du corps de la victime, traînée au travers du souterrain. C’est une petite gâterie que je vous laisserai découvrir tout(e) seul(e). Encore une fois, le calme illusoire des paysages tranquilles.

Mais ce n’est pas tout. Francis Groff nous fera encore découvrir les milieux de l’extrême-droite namuroise (après un bref passage, insignifiant celui-là, et très tranquille, mais faut-il se fier aux apparences?), dans les locaux des francs-maçons, rue Wodon.

C’est bientôt fini? Vous me donnez le tournis!

Presque, ma chère. Il nous reste encore un tour à faire jusqu’à la Citadelle, et puis le casino.

Ouf! Je respire!

Ah! J’oubliais de vous dire! Il vous faudra passer auparavant par une maison bourgeoise, qui ne paie pas de mine –  un vrai morceau d’anthologie. Ecoutez plutôt:

« Située à la rue de Bomel, un quartier huppé de Namur, la maison de Pierre Barompré détonnait dans le décor. Non pas par son architecture qui restait élégante, mais les outrages du temps liés à un manque d’entretien avaient définitivement défiguré la belle « quatre façades ». Les murs étaient lézardés, une partie de la corniche envahie par des arbrisseaux, la toiture était couverte de mousse et la cheminée orpheline de plusieurs briques. Quant aux châssis en bois, ils n’avaient plus vu une couche de peinture depuis un demi-siècle au moins.Autour de la maison, la végétation s’était développée de façon anarchique. Seul un triste sentier vaguement entretenu par les passages biquotidiens du propriétaire serpentait entre une boîte aux lettres branlante et la vieille porte dont in panneau en verre avait été remplacé par un bout de carton ».

Bigre! Où a-t-il encore été se fourrer? L »antre d’une sorcière, la fée Carabine,ou chez Blanche-Neige, avant que le prince ne la tire de son sommeil?

Eh bien, je ne vous le dirai pas, na. Vous ne croyiez tout de même pas que j’allais tout vous raconter?

Joseph Bodson