Françoise Pirart, Beau comme une éclipse, Bruxelles, M.E.O., 2019,174 p. (16€)

La candeur entourée de ses pittoresques protagonistes

C’est un roman à inscrire dans la catégorie satire. Son héros, Albien Bienfait, sorte de Candide actuel amoureux d’une Esther plutôt que d’une Cunégonde, a pour livres de chevet les  « Caractères » de La Bruyère, les « Fables » de La Fontaine, les «Voyages de Gulliver » de Swift. Il se passionne pour la vie secrète des troglophiles, aime les mots et pratique à l’occasion le rôle de nègre littéraire d’une veuve excentrique exotique.

Françoise Pirart parcourt  plusieurs domaines pour en souligner les aspects ridicules ou absurdes. C’est la famille (restreinte) où les femmes prosélytes militent pour une religiosité engluée dans les clichés les plus conservateurs. C’est l’administration, celle qui s’occupe des chômeurs qu’elle pousse dans des stages comportementaux à la psychologie de café du commerce ; ou celle des recouvrements d’impôts, engluée dans le tatillon et le mesquin.

Il y a encore le portrait fragmenté de l’escroc à la petite semaine qui subjugue les naïfs et finit par être victime de plus retors que lui. Au passage, s’égrènent des descriptions de problèmes liés à notre époque : les difficultés d’intégration des enfants différents et notamment les autistes, le créationnisme, la psychanalyse, le fossé qui sépare la culture traditionnelle et l’évolution, les mirages des réseaux sociaux et nos difficultés linguistiques.

Pour pimenter l’aspect satirique de ses propos, Françoise Pirart  a recours à divers procédés qui sont reliés à la notion d’accumulation. C’est un moyen de rythmer le style, de provoquer une musicalité particulière, de miser sur le grossissement du trait qui sied à la caricature. D’abord, il y a l’inventaire, l’énumération. Ensuite, il y a la succession de phrases de même nature : par exemple une kyrielle d’interrogations. Puis l’exploitation d’un champ lexical comme celui des insectes ou de verbes ayant trait au langage animal. Par ailleurs, son héros pratique volontiers des sortes de collages syntaxiques aléatoires façon surréalisme.

En quête de père, en quête d’âme sœur, Albien s’en va s’en vient d’épisode en épisode comme dans un feuilleton. Quant à l’épilogue, il est en deux temps. Le premier est une fin prévisible. Le second verse dans l’inattendu s’ouvrant vers l’inconnu, vers le vivant et l’amour de la vie.

Michel Voiturier