Françoise Pirart, Chicoutimi n’est plus si loin, Editions du Sablon, 2021.

Chicoutimi est un lieu mythique lointain situé au Canada. Erik et Sylvain, deux jeunes Belges, paumés, rêvent de l’atteindre au terme de leur étrange fugue les éloignant de la maison familiale. Ces deux adolescents fuient leurs parents car Erik garde un secret lourd à porter qu’il ne révélera que tardivement à son frère cadet.

Ce road-movie nous donne à lire de vivantes scènes de rencontres : par exemple, au sein d’une famille d’adoption à La Tuque ou encore avec Judy, une jeune autostoppeuse qui les a initiés à l’amour physique. Le destin des deux garçons croisera celui de Red Barton, un détective retraité qui retrouve en la personne de Sylvain les traits de son propre fils, Dan, disparu un soir d’octobre. Cette image qui le hante l’entraînera à poursuivre malgré lui les deux frères en cavale.

Françoise Pirart, dans ce récit édité pour la première fois en 2014, nous plonge dans une aventure non dépourvue de suspense, au cœur de régions sauvages empreintes de légendes indiennes et toujours fréquentées par des ours et autres orignaux. Dépaysement garanti !

Le fond de l’intrigue, en revanche, est bien plus noir, entaché de vols et méfaits divers, alourdi par le mal être de ces deux ados livrés à eux-mêmes, prêts à tout pour vivre autre chose… ou mourir. C’est pourquoi Françoise Pirart ne peut que laisser aller son écriture vers un dénouement fatal, en parfaite concordance avec le destin de ses protagonistes. Pour eux, il n’y a pas de retour en arrière possible, même si Sylvain voudrait parfois retourner à la maison. Mais Erik lui rappelle qu’il n’y a plus de maison et que dans ce « foyer familial », il a enduré des épreuves effroyables, ineffaçables. Le lecteur accepte alors d’être embarqué dans une succession d’incroyables coïncidences où le hasard est le seul moteur (par exemple, ils échappent aux contrôles lors de leur voyage en avion ; ils bénéficient souvent d’aides inattendues…).

En somme, Chicoutimi n’est pas si loin ; on peut toujours en rêver et tenter d’atteindre ce merveilleux refuge où tout serait à nouveau possible !

Martine Melebeck