Geneviève Bauloye, Feuillage/Filigrane, poèmes, éd. La Feuille de thé, 2017.

Un vrai travail de dentellière, mais qui ne fait pas dans la dentelle…Excusez ce mauvais jeu de mots, mais c’est exactement cela:  l’auteure ne se perd pas dans le joli, l’ouvrage minutieux – bien au contraire, les lignes de ces poèmes sont fermes, bien délimitées; sans une seule fausse note. La ligne générale, le dessin s’en dégagent aisément, pour les trois parties: De si loin – Passages  et Feuillage/filigrane.

Ainsi, dans De si loin:

Dessine la danse
Silencieuse de la nuit

L’éclat des cerises

De si loin
Tu m’envoies des oiseaux
Blancs Ils te reviendront.

On notera l’importance de chaque notation, et sa juste place: l’opposition des couleurs, le rouge des cerises, le blanc des oiseaux; l’absence de point entre blancs et Ils, corroborant l’assurance du retour, comme pour la colombe de l’arche. Et le silence de la nuit, avec et malgré cette danse. Tout est réel ici, et chaque mot, chaque strophe, comme dans une pièce de clavecin.

Et, dans Passages, la pièce initiale également:

Entre l’irréalité des nuages
Et nos vies la grille
Des arbres noirs et la nuit
Eclairée par son fleuve

A travers le miroir la fenêtre
Et les eaux du soir
Tu gardes le reflet de
La vie passagère et l’empreinte
Des visages et des voix.

Tout, de nouveau, soigneusement pesé, mesuré: corrélation des images, la grille des arbres noirs, déjà, en feuillage et filigrane, les nombreuses reprises de la conjonction et, les rejets, pour aboutir à la finale en demi-teintes: les eaux, le reflet, le miroir, et enfin l’essentiel: vie passagère, empreinte – visages et voix, comme si tout, nos présences, nos absences, se résumait en cela, visages et voix, des images qui évoquent un peu Maeterlinck, mais le trait est ferme, définitif. Rien que cela, mais tout cela.

Je m’arrête, les commentaires, bien sûr, sont accessoires, ils ne font que souligner, mettre en valeur, les visages et les voix: le poème.

Joseph Bodson