Geneviève Bauloye, Raphaël ou le triomphe du secret, 2021, chez l’auteur.

Notre amie Geneviève est surtout connue comme poète, et excellent poète s’il en est. Mais ici, c’est d’autre chose qu’il s’agit, c’est presque un roman, presque un roman d’amour. Entre Geneviève et ce peintre, que l’on croit connaître très bien, mais qui réserve bien des surprises. Un livre qu’elle a porté pendant près de quinze ans, avant de se décider à l’écrire.

Oui, un peintre que l’on croit connaître, qui a vécu en pleine efflorescence de la Renaissance italienne, qui a subi l’influence des meilleurs maîtres, et en a tiré profit pour  réaliser des scènes religieuses, philosophiques, dotées d’une mise en scène somptueuse, comme l’Ecole d’Athènes, au Vatican, Chambre de la Signature, où l’on retrouve, harmonieusement disposés sur les marches d’un grand escalier, les principaux philosophes de la Grèce. Au cours de sa période florentine, sous l’influence de Masaccio, la Madone au pré, de Vienne, avec encore ce fond bleu qui se perd dans les lointains, comme chez nos peintres de la fin du Moyen-Age (n’a-t-il pas été l’élève de Juste de Gand?), cette douceur infinie, cette géométrie très étudiée, cet accord parfait entre le paysage et le portrait. Par la suite, ses portraits auront un fond neutre, d’une seule couleur. Mais dans le Songe du Chevalier, quel accord parfait entre ce fond de montagnes, ces deux femmes, la Volupté et la Vertu, qui surplombent le sommeil du chevalier, avec des attitudes contrastées. Et, par la suite, le regard, la douceur de ces femmes, de ces Vierges…Il aura connu la plupart des grands maîtres de l’époque, de Léonard à Michel-Ange, à qui il succèdera comme maître d’oeuvre du Vatican…C’est ainsi qu’il y aura un avant et un après Raphaël. Et c’est vrai aussi que dans Galatée, dans la Transfiguration, c’est un véritable talent d’architecte qui gouverne la mise en scène des personnages.

Mais écoutons Geneviève, qui évoque ici l’influence de Vinci sur Raphaël: Personne n’aura contribué plus que Léonard à libérer complètement Raphaël de l’influence ombrienne. Celui-ci lui emprunte la mystérieuse simplicité du paysage qui se mêle intimement aux figures comme le reflet d’un instant de sérénité. Il a trouvé chez Léonard ce qui sommeillait en lui. Ils ont des affinités secrètes et surtout le sens inné de la beauté mesurée. 

Et encore, à propos de Castiglione, son ami, dont il fit un superbe portrait, et du fond des tableaux: Les yeux bleus de Castiglione et le front clair contrastent avec son grand chapeau pour intensifier le regard. Le point de vue à hauteur des yeux du modèle donne une impression de proximité. On peut s’imaginer assis à côté de Castiglione dans l’intimité d’une conversation. (…) Alors que les premiers portraits suivent Léonard et Memling dans le paysage placé derrière eux, les peintures plus tardives sont réalisées dans la vieille tradition italienne d’un arrière-plan uni. Ainsi leur présence est immédiate. 

Un style sobre et précis, une grande clarté de vues, séparant d’emblée l’essentiel de l’accessoire. Non, ce n’est pas ici l’ouvrage d’une historienne de la peinture, ni d’une esthète, si raffinée soit-elle. Seulement – mais c’est bien mieux – le livre de quelqu’un qui aime profondément son sujet. Se non amore, qué cosa, é quale?

 

Joseph Bodson