Geneviève Mairesse, Les Mémoires enroulées, Weyrich, 2019

Un témoignage, un récit historique, inspiré de faits réels qui ont secoué la famille de l’auteure.

Presque un livre à quatre mains, écrit à 50 ans de distance. L’histoire de Suzanne Hubeau, racontée par elle-même (arrêtée à 32 ans en 1943 par la Gestapo pour « propos germanophobes », incarcérée à la prison de Saint-Gilles et à celle de Forest, puis déportée en Allemagne) ; celle de la narratrice qui enquête, des années plus tard, sur Suzanne qui était sa grand-tante, et dont le récit forme contrepoint au premier.

Sans cesse ce sont des allers-retours entre ces temporalités différentes ; s’y conjuguent des sensibilités et des émotions très proches. En somme, le livre de deux destins qui, d’une certaine façon, s’emboîtent l’un dans l’autre.

Les récits, très documentés (de nombreux documents « officiels » alternent avec l’histoire proprement dite) nous font vivre par exemple la vie de certains endroits de Bruxelles sous l’occupation, tel que le fameux Hôtel Métropole de la place De Brouckère.

On verra aussi que la souffrance de Suzanne ne résidait pas seulement dans les traitements cruels qu’elle a dû subir lors de ses incarcérations, mais aussi dans la façon dont certains l’ont considérée à sa libération : non-dits, incompréhension, et même suspicions. Suzanne sera finalement, après bien des tracasseries administratives, reconnue comme Prisonnière Politique.

Dans l’épilogue, l’auteure prend la peine de nous expliquer sa démarche :

« J’ai écrit à propos de la vie d’une jeune femme autonome, remplie d’envies de liberté, de joie, de fête, de libération, de risques aussi, et qui a vu sa vie basculer quand la guerre a éclaté.

J’ai écrit parce que sa vie a rejoint la mienne, par des chemins inconscients, devenus de plus en plus présents, dans mon corps, au creux de mes cellules, ancrés au plus profond de l’être. (…)

J’ai écrit pour installer une justesse, des nuances, des doutes, des secrets qui ne seront jamais dits à défaut de n’avoir pas pu les garder ».
J’ai écrit parce que sa survivance est empreinte de liberté. Et la liberté, c’est connaître ses chaînes pour mieux s’en séparer ». 

 Martine Rouhart