Georges Roland, Les démononomanes 14 nouvelles du Mal ,Collection Le Belge qui se livre (2020, 12 euros)

Prenant le Mal pour un Bien, Georges Roland s’en donne à cœur joie dans cette série de nouvelles me rappelant le brillant romancier et poète Gérard Prévot des « Contes et légendes de la Mer du Nord », Jean Ray ou encore Thomas Owen, quelques brillantes références du genre « fantastique ».

On décèlera en outre, chez Georges Roland, cette touche d’intrigue policière sous-entendue et qui tient le lecteur en haleine : « Le temps a passé et la pluie s’est mise à tomber sur le toit du garage. A onze heures, toujours pas de bruit dans la chambre des parents. Tant mieux ! Enfin quelques heures de répit ». Le ton anodin à évoquer les gestes de la vie courante et un genre de bonheur désuet contrastent violemment avec un évènement horrible rendu explosif, ceci avec une chute brillante ce qui, on le sait, rend importante la vraie force, en littérature, de la nouvelle.

L’extraordinaire mal fortuit se manifeste là où on l’entend arriver au détour d’une localisation serrée, bien mise en scénario avec aussi ce côté très journalier qui semble nous concerner tous. Du grand art !

Menant parfois la psychologie aux combles d’horribles hésitations, y compris pour autrui sensé représenter, dans la communauté, le Bien, l’auteur s’en prend aux rouages mêmes de la société car même pour le représentant du culte il n’y a qu’un pas entre le Bon Dieu et le Diable, avec les symboles du Mal et du Bien entremêlés : « Charles. Comment me défaire de cette litanie ? Je lis son nom à chaque page sur mon bréviaire, je vois son visage dans chaque enluminure du grand livre de l’autel ». On aura compris que bien souvent c’est l’ange qui fait la bête entre les sourires du diable, ceci dans un style unique, incomparable avec aussi une absolue maîtrise de la langue et du vocabulaire.

Parfois prégnante, c’est bien la Vie qui peut se cacher derrière l’acte immonde ou irréparable.

Outre l’écrit, l’auteur se sert d’objets désuets pour transcender l’acte :

« Cette fortune engagée dans le rassemblement d’œuvres d’art de grande valeur, à qui ira-t-elle, lorsqu’on aura tranché le lien avec la société ? ».

C’est bien une sorte de poésie de l’acte qui se dégage de cet ensemble de nouvelles où de grands symboles viennent, comme par exemple cette allusion à Rimbaud ( référence au « Dormeur du Val »), faire incursion dans la dérision et l’ironie des mots menés avec à propos pour dénoncer des actes aussi quotidiens que terribles menant la barque du Mal, l’auteur se servant, dans l’idée, de sources positives comme c’est le cas avec le brillant détournement du « Lac » de Lamartine ( autre exemple) utilisé pour la cause du nouvelliste.

Ces nouvelles, particulièrement bien menées, attendent parfois une chute qu’on croit convenue. Il n’en est rien…Comme dans « Le cauchemar de Valérie », la surprise de temps, de lieu et d’action bouscule tout-à-fait le genre.

        Patrick Devaux