Gérard Le Goff, L’orée du monde, poèmes, éd. Traversées,2019.

Un recueil attachant, à la fois par sa simplicité et sa variété. Simplicité dans le choix des mots, des tournures. Variété dans les mètres, dans l’alternance  poésie/prose poétique, qui donne richesse à ce recueil, avec une sorte d’allégresse, mais sans jubilation..

Le tout, comme le titre le suggère déjà, est une question de lieu. Là où nous sommes, d’où nous venons, d’où nous allons. Livre premier: Cités, faubourgs et autres encerclements., partant d’un exergue de James Douglas Morrison: The city forms – often physically, / but inevitably psychically – a circle. Alternance de poèmes courts et longs, sous des couleurs plutôt nostalgiques: Blues parlé de l’amertume:

La nuit tourbillonne / chaos de mouvances/ Poudre de cendre les lèvres closes // L’aube ouvre sa plaie entre ciel et mer / D’où giclent les oiseaux/ Le temps est venu des soleils sans rêve

Confusion des matières, à la page 19, confusion de l’être, comme à la page  24:

A peine le pied posé sur la berge promise,il me faut pourtant convenir avoir abandonné derrière moi un mystère identique, renversé dans ce courant que ternit l’ombre passagère, où vient de se noyer mon double qui tardait tant à me suivre.

Livre second, Lieux-dits, atterrages et autres alentours – Qu’est)ce que nous réfractons? / Les ailes que nous n’avons pas – René Char.

(…) Pourquoi se souvenir de l’odeur de l’orage / Dans le tremblement traversier des épis / De l’âcre senteur de la poussière mouillée / De ces chemins sans âge brodés de fougère ou de givre / Là s’égarer s’avérait impossible / Guidés / Par ce pain d’éternité vacillant / Aux cimes fébriles des futaies

Le bout du monde et Cartographie m’ont apporté un grand bonheur de lecture, ainsi dans le dernier cité:

Personne n’habite plus ici. Pas âme qui vive Depuis des années, des siècles peut-être. Même les spectres ont déserté. Le patrimoine bâti est parfaitement conservé pourtant. Pour quelle raison? Un retour des vivants serait-il envisageable? Non, bien entendu,  puisque le visage n’existe que dans un rêve. Le seul arpenteur de ces rues est un dormeur éveillé ici. // Ne venez pas troubler mon sommeil.

Et tout se conclut par un poème court, éponyme: L’horizon, de quoi rien ne délivre, dérobe l’orée du monde.

Car derrière l’horizon, il y a toujours un autre horizon.

Joseph Bodson