Girolamo Santocono, Ça va d’aller…Y a pas d’avance, Cuesmes, Cerisier, 2018, 250 p.(14€)
Gens d’ici, gens venus d’ailleurs dans un décor de Borinage avant et après la crise économique
Les nouvelles contenues dans ce livre alignent une galerie de personnages dont l’existence est restée confinée dans un territoire où la fortune fait défaut, où l’ambition stagne tandis que le quotidien s’englue. Pourtant aucun d’entre eux, à défaut d’être heureux, n’est foncièrement malheureux.
Certains, comme l’auteur, appartiennent à l’immigration italienne en Belgique au milieu du XXe siècle. Voici Carmela et Igor ou l’improbable rencontre entre un laideron et un unijambiste au Borinage. Voici Mariuzza sans nouvelles de son époux migré vers le Hainaut depuis la catastrophe de Marcinelle qui part sur ses traces. Le fils d’un rital intégré tente de devenir ’marqueur de chasses’ dans une équipe de balle pelote afin de séduire une jolie rousse. La concierge d’un château appartenant à un industriel, veuve d’un autre émigré, se retrouve seule dans un bâtiment abandonné depuis le déclin de l’usine de son patron. Le fils d’un mineur découvre la mer du Nord et apprend à draguer le jour où le premier homme a marché sur la Lune.
« Silence » amène à se demander si la révolution politicosociale ne réside pas dans une solidarité muette et collective. « Ça va d’aller » pour un Montois embarqué malgré lui vers la maternité par un accouchement urgent. « Berthe » pose la question de savoir comment se comporter si, lors d’un mariage, il y a un décès soudain parmi les invités.
Le petit Gérard, souffre douleur de ses copains de classe, se voit promu élu local avec pouvoir sur ses électeurs. L’animateur du ciné-club se bat avec des installations pourries. Le préposé du pointage au bureau du chômage à l’époque où les contrôles étaient permanents fait grève au péril de son emploi. Un ancien travailleur se persuade qu’il a une mission à accomplir lorsque la boulonnerie désaffectée au pied d’un terril se met à fumer et à cliqueter comme lorsqu’elle produisait. Le conducteur du tram qui sait que le bus le remplacera redécouvre tout ce qu’il a connu au musée de la Vie wallonne. Cela se termine sur un conte écologique aux allures de fantastique en un territoire que l’industrie a fini par polluer.
Santocono nous revisite les décors du Borinage, ses usines et ses terrils, avec ses usages de cuisine et de boissons, ses manifestations festives et sportives. Il rappelle un quotidien ouvrier avec ses rêves et ses réalités. Il nous ramène du pittoresque assaisonné de dialectes wallon et latin. Les gens qu’il nous permet de côtoyer avec un brin de nostalgie sont dépeints avec le sens du détail qui marque, qui amène à sourire ou à s’attendrir.
Michel Voiturier