Hélène Delhamende – La maison de l’autre côté du lac – Edilivre – 246 p. – 19 €

Comme dans son œuvre précédente, Ma mère…quand ça l’arrange (dont la recension a paru dans le n°45 de Reflets), l’auteur aborde le thème de la quête de la mère absente, cette fois, au travers d’une fiction. Une fiction qui oscille sans cesse entre réalité du récit et fantasmes du narrateur.

Diego, dix-sept ans, a grandi sans parents, dans une maison d’accueil, l’institut St-Roch, et l’absence de sa mère, disparue lors d’un séjour en Thaïlande quand il avait quatre ans, l’obsède à un point hallucinant. Depuis le dortoir de St-Roch, il a vue sur un manoir de l’autre côté du lac, un manoir qui le fascine, dont il voudrait bien percer le mystère. Un jour, il s’aventure à la découverte du manoir et de ses habitants. Il contourne le lac et pénètre le mystère. Contre toute attente, il est bien accueilli et entame une relation privilégiée avec Amalia, femme idéale, avec qui se noue un lien qu’il ressent comme un lien de filiation. Il tombe amoureux d’une âme. Alors qu’avec Victoria, fille présumée d’Amalia, il tomberait plutôt amoureux d’un corps. Tout cela ne quitte guère la sphère psychique du jeune homme, de même que le ressenti de Diego pour Abraham, le mari d’Amalia, qui pourrait évoquer une figure paternelle – père dont apparemment Diego n’a aucun souvenir ni aucun manque.

Malgré cet accueil merveilleux, l’absence de sa mère continue de hanter Diego et il s’est juré de savoir ce qui est arrivé, persuadé qu’elle est vivante et qu’il va la retrouver. Il entame une enquête, avec l’aide de Victoria et d’un détective, loin du monde de rêve de la maison de l’autre côté du lac. On perçoit bien les deux pans de sa vie, Amalia, la femme (mère?) rêvée, idéale, présente, et Isabelle, la femme (mère) réelle, évaporée un beau jour au bord de la mer. De cette maison mystérieuse et de ce qu’il y vit, Diego ne parle à personne. Mais il écrit, il se confie au papier, il écrit le roman qu’il vit en dehors de l’institut, et qui l’aide à supporter l’absence insupportable de la mère, le doute lancinant d’une mort sans cadavre, qui ne permet jamais le deuil. La seule solution, c’est la résilience, la capacité de faire d’une souffrance un nouveau point de départ dans la vie. L’auteur se réfère ici au livre du psychologue Boris Cyrulnik, « Un merveilleux malheur », Amalia étant pour Diego la personne sur laquelle s’appuyer pour sa résilience.

Diego, tout en vivant intensément ce qu’il décrit, reste étranger à cette maison, comme l’auteur d’un roman reste extérieur à lui, tout en étant son créateur, son âme et son moteur, sans en être un élément.
Un livre étonnant, dans une ambiance de « Grand Meaulnes », pimentée d’une bonne dose de suspense, qui nous réserve … des surprises.

Isabelle Fable